Monographies et descriptions diverses
En 1862, Napoléon III demanda à ce que toutes les écoles de France rédigent une monographie de leur commune. La première monographie est rédigée en 1862 par M. Boudoussier, instituteur au Bleymard. La seconde plus récente est due à M. Denisy, commissaire de police à Marvejols.
Mais dès 1813, le rapport de tournée du préfet Gamot donne une description intéressante du Bleymard et de ses environs, et en 1874 en exécution d’une directive générale, M. du Président de la 3ème République, M. Teissier rédigera sa « monographie » (29 mai 1874).
Ces textes sont rapportés ci-dessous dans l’ordre chronologique.
- Rapport de tournée du Préfet Gamot – 1813
- Monographie de Boudoussier – 1862
- Monographie de Léon Denisy
- Description rédigée par A. Teissier le 29 mai 1874 (extraits)
1. Rapport de tournée du Préfet Gamot – 1813
Ce rapport administratif donne une image assez précise, mais peu flatteuse du Bleymard et de son maire.
Après deux heures de marche pénible, toujours en montant ou en descendant, on arrive au petit hameau du Mazel.
Alors, on laisse à droite la route n° 121 et par un chemin étroit et mal entretenu on employe (sic) un quart d’heure à se rendre au Bleymard, petit bourg chef-lieu de canton.
Ici, je dois observer que depuis le vallon de la Loubière jusqu’au Bleymard, la route paraît avoir été faite avec beaucoup de dépense. Les empierrements sont décharnés ou détruits mais les pierres de bordure existent presque partout. Les pentes sont rapides il est vray, mais si l’on n’a voulu faire qu’un chemin pour les bœufs ou les mulets il était suffisant. Cette observation s’applique à toute la route de Mende à Villefort.
Le chemin qui conduit au Bleymard suit les bords d’un petit ruisseau nommé Combesourde, qui se jette dans le Lot. Ce ruisseau qui traverse la route n° 121, est souvent grossi par les pluies, et alors on va chercher le Bleymard ; on passe le ruisseau sur un pont assez bien fait, mais qui a besoin de réparations. M. l’ingénieur croit que ces réparations coûteront cent cinquante francs si on les fait sur le champ, mais que si l’on néglige de les faire le pont pourrait bien tomber. J’ai recommandé au maire de ne pas tarder à me demander les autorisations nécessaires.
L’aspect du Bleymard est aussi triste que celui des autres villages dont j’ai parlé. Ce lieu serait très misérable s’il ne s’y tenait deux marchés par semaine. On vient y échanger les châtaignes des Cévennes contre les seigles et les blés du païs.
Le maire du Bleymard est un paysan honnête homme mais qui sait à peine signer son nom. Il va être changé cette année.
– Le juge de paix est un nommé Ferrand ; c’est un homme de 55 ans, propriétaire dans le pais et qui fait bien son devoir. Son greffier qui se nomme Rouvière, m’a paru avoir de l’esprit et de la vivacité.
– Le curé est un homme fort ordinaire, mais d’un bon esprit.
Quelques détails sur Le Bleymard.
– Les habitants du Bleymard n’aiment pas la conscription. Quelques jeunes gens se sont coupés l’index l’année dernière, pour être exemptés. Je les ai fait tous arrêter et conduire au dépôt des régiments de pionniers. J’espère que cet exemple sera utile dans le département.
Nous sommes descendus chez un nommé Rouvière, percepteur à vie.
C’est le plus riche habitant du pais. Il jouit de trois à quatre mille francs de rente, mais il a une famille nombreuse. Il nous a conduits sur un pré qui lui appartient et dont la moitié du pourtour est baignée par le Lot.
– Cette rivière n’est dans cet endroit qu’à un quart de lieue de sa source ; on la passe par un ponceau en mauvais état qui a environ 15 pieds de long.
La rive gauche autour du pré est une montagne à base schisteuse, dans laquelle on trouve un filon de galène qui sert au vernissage des poteries du païs. Nous avons cru remarquer quelques traces de minerai de cuivre. Les montagnes des environs du Bleymard sont dépourvues d’arbres. Cependant, elles sont plus arrondies, leurs ondulations sont plus prolongées on n’en voit point de coupées à pic comme les causses.
Ce païs est habité depuis longtemps. On a toujours eu la manie des défrichements et jamais celle des plantations. Il est probable que ces montagnes comme beaucoup d’autres ont été successivement dépouillées. La rareté du bois est telle dans ce canton, qu’on est obligé d’en aller chercher à cinq lieues dans une forêt assez mal en ordre qui se trouve sur le flanc septentrional de la Lozère.
Chaque habitant du Bleymard peut couper du bois pendant un an pour 15 francs. On croirait que ce serait un marché fort désavantageux pour le propriétaire de la forêt, mais voicy comme il calcule les chemins sont impraticables pendant huit mois, les quatre où la saison est supportable sont précieux pour l’agriculture, le temps, la cherté des ouvriers, les difficultés des communications assurent qu’on n’ira en couper que l’absolu nécessaire. Effectivement pour avoir un char de 6 à 7 francs, trois hommes et une paire de boeufs sont employés pendant un jour et une nuit. Ainsi, l’on n’use de son droit que le moins possible. On cultive le seigle avec succès dans les environs du Bleymard.
Celui que j’ai vu m’a paru être d’une belle et bonne qualité. On alterne les terres avec des prairies artificielles. Le sainfoin et le trèfle prospèrent sur le sol qui leur est propre. Il n’y a au Bleymard aucune espèce d’industrie.
L’instruction y est aussi de toute nullité. Cependant la commune a eu une donation de 100 francs pour avoir un maître d’école. Cette somme est trop faible, pour cette dépense on croit que 150 francs de plus suffiraient. Je compte prendre une mesure générale pour l’établissement des maîtres d’école dans tous les chefs-lieux de canton et successivement dans les communes
Arch. Dép. de la Lozère Registre III E 1173
2. Monographie de Boudoussier – 1862
Au tout début, le Bleymard est un tout petit village de 8 à 10 maisons dont la moitié est habitée par de petits fiefs dépendant du seigneur du Tournel. Ces fiefs se distinguent des autres maisons par leurs tours carrées.
Dans sa monographie de 1862, l’auteur, instituteur nommé Boudoussier, rapporte :
La maison Peytavin dit Massadort décorée de 3 tours carrées est un ancien château en bon état ; la maison Veyrunes dit Misit et celle de la veuve Albouy sont ornées, chacune, d’une tour carrée et la maison Pelorjas d’une belle tour ronde qui parait bien antique.
Ce n’est qu’ à l’heure du concordat que le Bleymard est devenu commune.
En 1862 (source déjà citée) le village compte 98 maisons, 112 feux et 441 habitants, Saint-Jean : 16 maisons et 61 habitants, de plus une baraque, nommée hôtel du Lot se situe sur la route impériale n° 101 entre Le Bleymard et Saint-Jean. Cette « baraque » comporte, en fait, trois belles maisons espacées destinées à donner asile au roulage et à héberger les voyageurs. Cet hôtel sera relais de poste sous le nom actuel de La Remise.
De part et d’autre de la rivière appelée Coumbo-sourdo se trouvent trois moulins d’eau, deux appartiennent à M. Jules Rouvière, le troisième à Julien Peytavin dit Massadort.
La localité possède une belle halle centrale, construite en 1848, les deux tiers de la population étant commerçante et vivant aussi de petits métiers se rapportant à la fabrication des étoffes de laine, serge et cadis.
Il existe deux fontaines, celle de Notre-Dame et celle du Théroun.1
La commune abrite deux églises.
Celle de Saint-Jean, qui remonte à la féodalité, est une belle construction dans le style des églises du XIIIᵉ siècle. On peut lire à une croisée sur sa façade extérieure, ces 2 mots André Prior et dessinés, tant bien que mal, deux lions ainsi qu’un soleil dont la moitié à disparu (photo ci dessous).

Saint-Jean possède également une belle croix en pierre, d’une exécution remarquable ou on distingue les instruments de la passion et un calice. S’agit-il de celle qui est, aujourd’hui, implantée dans le cimetière ?

L’église du Bleymard (implantée à l’emplacement du vieux cimetière) est appelée Peyro-fioc, restaurée pour la troisième fois en 1770, elle est, longtemps, réservée à la confrérie des pénitents blancs et dépend de la paroisse de Saint-Jean (voir plus loin la cession d’un tabernacle). Elle ne devient paroissiale qu’en 1802.
Le même auteur évoque la chapelle dite de Saint-Jialounet de même que l’instituteur Durand, de Saint-Julien-du-Tournel dans sa monographie écrite la même année, 1862 (les territoires d’Orcières faisaient alors partie de la commune de Saint-Julien).
De ces écrits il ressort que :
- le véritable nom de l’oratoire est Saint-Juliannet
- l’instituteur Durand précise que cette chapelle existe « depuis des temps immémoriaux » (vraisemblablement depuis le XIVᵉ siècle) sur le territoire du Mazel, commune de Saint-Julien-du-Tournel
- selon la même source, elle est « à l’invocation de Notre-Dame de Saint-Juliannet » et j’en déduis que son nom est un diminutif de Saint-Julien et donc, qu’à l’origine il désignait le territoire sur lequel fut édifiée la chapelle de Notre-Dame
- on y portait, nous dit M. Durand, « un grand nombre d’enfants pour obtenir de la mère du fils de Dieu (sic) la guérison de certaines infirmités, particulièrement de la faiblesse des reins et des jambes » et M. Boudoussier indique qu’en 1842 « on y a découvert des tombeaux bâtis de pierre brute et de chaux » (il y avait un four à chaux à proximité) « dans lesquels reposaient des ossements humains ».
Je me souviens avoir participé, dans mon enfance, à des processions à l’issue desquelles on fleurissait une statuette de la vierge abritée dans une niche de l’oratoire.
La chapelle dépendait certainement à l’origine du village des Faysses. Ce village, aujourd’hui disparu, était construit au bas du « truc du Pendedis ». Selon l’instituteur (1862) « on reconnait encore à des vestiges, la place qu’occupait ce village, on suppose en outre que des papiers importants ont été brulés en 1793 en exécution de la loi du 14 juillet ».
Selon l’abbé Benoit des actes de 1322 et 1530 mentionnent ce village qui ne figure plus dans un acte de 1649 (Notice sur la paroisse d’Orcières).

Ci-dessous extrait (dernière page) de la monographie de l’instituteur Boudoussier, dont il est question plus bas sous un jour un peu moins serein (voir dans la page sur les écoles : exclusion d’Augustin Rouvière, plainte de M. Boudoussier, plainte contre M. Boudossier)




Une belle statue de la vierge, en bois, y est également déposée. Elle a subsisté et on peut la voir dans l’église actuelle. On peut voir d’autres photographies de cette belle statue sur le site annexe.
La chapelle de Peyrofioc se dressait à l’emplacement du cimetière actuel, son bénitier se trouve encore à l’entrée du cimetière, certainement en raison de son emplacement et de ses proportions plus que modestes, n’eut pas à souffrir de la révolution.
Après la construction de l’église actuelle, le doyen Ollier, réduisit la chapelle « à ce qu’elle était aux temps primitifs ».
La chapelle fut-elle démolie volontairement ou tomba-t-elle en ruines ? Il n’en reste que le bénitier.
3. Monographie de Léon Denisy
Cette monographie, un peu plus récente, apporte quelque compléments à celle de Boudoussier. Elle a été écrite entre 1860 et 1880 par Léon Denisy, commissaire de police à Marvejols (de 1818 à 1888), à l’encre violette, sur des cahiers d’écolier. L’auteur a consacré plusieurs pages à chaque canton du département, accomplissant là un travail de recherche considérable qu’il ne put publier, à compte d’auteur, faute de moyens.
3.1. Condensé de la monographie du village
Le village du Bleymard est comme tous les villages de son espèce, mal ordonné et mal tenu. Son intérieur laisse beaucoup à désirer, tant sur le rapport de la propreté que de l’alignement.
Les modes n’y sont pas des plus fraîches et encore n’y sont-elles connues que de la fortune, en général.
Il possède deux congrégations religieuses : les Frères des Écoles Chrétiennes et les Sœurs de la Doctrine Chrétienne. L’une et l’autre se livrent avec zèle et persévérance à l’instruction de la jeunesse du pays.
Il serait difficile peur ne pas dire impossible d’assigner une date bien certaine à l’origine du village du Bleymard. Les annales historiques sont muettes sur ce point. D’un autre côté, on cherche vainement l’étymologie de son nom, la seule chose qui pourrait, peut être, jeter quelque lumière sur son obscurité. Malgré son peu d’importance actuelle le village du Bleymard est très ancien.
Son église actuelle n’est pas très ancienne ; elle ne remonte qu’à l’année 1770, époque où elle fut édifiée sous la forme d’un petit édicule dit de St Jean, pour servir d’abord à la confrérie des pénitents blancs. Elle est desservie par deux prêtres, dont un curé et un vicaire.
Le village était d’abord une dépendance de l’ancienne baronnie du Tournel. Les habitants du Bleymard étaient tous les emphythéotes, obligés à reconnaissance et au guet et garde du château. La seigneurie s’étendait aux villages suivants, savoir : Bonnetés, St Jean et Valescure.
Source : archives départementales de la Lozère
3.2. Reconnaissance féodale
À noter que le droit féodal a longtemps survécu aux seigneurs du Tournel.
La Censive qui consistait en fait à l’asservissement du roturier au seigneur se retrouve dans des écrits du XVIIIᵉ siècle.
C’est ainsi qu’en 1742, Barthélemy Rouvière signe une reconnaissance féodale qui perpétue, à son nom, la qualité d’emphytéote reconnue à ses prédécesseurs sur un bien situé à Saint-Jean, mais aussi sa soumission à la Censive avec toutes ses contraintes. Pour être juste il faut reconnaître que ce baïl emphytéotique avant la lettre, présentait quelques avantages pour le « bénéficiaire » (le cens étant considéré plus comme un impôt que comme un loyer. Son montant en nature était immuable et le censitaire recevait la protection judiciaire du seigneur.
L’acte signé par B. Rouvière est en partie retranscrit ci-dessous, son fac-similé peut être vu à la Mairie du Bleymard parmi les pièces de l’exposition de J. C. Rouvière2 :
Reconnaissance féodale
L’an 1742 et le cinquième jour du mois de novembre avant midy, régnant très chrétien et souverain premié Louis quinze, par la grâce de Dieu roi de France et de Navarre, par devant nous, notaire royal et témoins soussignés, fut présent sieur Barthélémy Rouvière habitant du lieu du Blaymar, paroisse de St Jean du Blaymar, Diocèse de Mende, de son gré. Pour lui et les siens al avenir reconnaît devoir et vouloir tenir et ses prédécesseurs avoir tenu en emphytéose perpétuelle, et sous la directe seigneurie, droit de ladite prélation, rétention commission, avantage, justice moyenne et basse et censive bas écrite en uniformité de pagerie et indivis DE NOBLE CHARLES DE RETZ, seigneur de Servies du Villaret Fraissinet et autre places, habitant a la ville de Mende, absent. Sieur Antoine Pages du lieu de Rebeinette, Paroisse de Genolhac, son procureur, expressément fondé par acte du second de ce mois, expédié par maitre Paulet, notaire dudit Mende, dument conseillé, le même présent et acceptant pour le seigneur. SAVOIR UNE PIECE située au terroir de St Jean appelée la Boulène et autrefois dessu pont joutier (?), reconnue, avec plus grand corps par Jean Agil a noble Jean du Villaret, seigneur du Villaret et Servies le sept octobre 1445.
Suit une longue description du bien et de ses voisins : « Confrontant du couchant au midy sieur Pierre Farges », puis du montant de la censive annuelle et perpétuelle, en nature : « un boisseau et un quart de boisseau de seigle, un boisseau et un quart de boisseau d’avoine payables le tout au lieu de St Jean à la fête de la ST MICHEL ».
Les conditions à caractère féodal de la reconnaissance apparaissent ensuite :
Ladite reconnaissance d’être bon et fidèle emphytéote, ladite pièce méliorer et ne pas détériorer, de la reconnaître et indiquer, toutes les fois qu’il en sera requis, pour la susdite censive et autre droits seigneuriaux exprimés dans ledit acte de reconnaissance dudit Agil (le prédécesseur), lesquels droits sont : les tailles dues et accoutumées et le guet et manœuvres dans le château de Serviès aux quelles la dite reconnaissance est obligée comme le autres emphytéotes dudit seigneur. Laquelle reconnaissance, ledit procureur pour ledit seigneur accepté sans préjudice de plus grand efet censive des arrérages de la susdite et des droits et autres devoirs seigneuriaux légitimement dus. Et pour l’observation de ce dessus la susdite reconnaissance a obligé tous ses biens passés et anciens et par expres le susdit fief qu’a requis aux rigueurs des cours de M. le Sénéchal Convention royaux de Nimes et à toutes autres rigueurs requises et nécessaires. Ainsi l’a promis avec due renonciation.
FAIT ET CITÉ au lieu du Blaymar, dans la maison de Jean Veyrunes, en présence d’Antoine Reboul, Mazitre Henri Defeiris, Seigneur de Bunes, avocat au parlement.
Signés par nous Joseph Gauzy, notaire Royal résidant au lieu de Bagnols, requis recevant.
Signé Rouvière, Pages, procureur Bunes, Reboul, Gauzy, notaire signés à l’original.
Sources : Archives départementales de Lozère
3.3. Précisions et anecdotes
L’auteur rapporte ensuite dans l’ordre chronologique quelques précisions ou anecdotes sur l’histoire du Bleymard :
En 1347, un prêtre, nommé Etienne Pépin, dit Olivier Atquistand, ayant été accusé d’avoir fabriqué une statue en cire, à l’effigie de l’évêque, Albert Lordet, et fait divers sortilèges sur cette image fut cité devant l’official de Mende, Savion, qui le condamna à faire pénitence pendant 15 jours dans la tour de Chanac, à manger le pain de la douleur et boire l’eau de la tristesse.
En 1581, Merle y fit une apparition nocturne, pilla l’église et s’empara des bestiaux pour nourrir ses hommes… mais il n’y survint aucun massacre et les habitants en furent quittes pour la peur.
Avant la révolution de 1789, le village du Bleymard et celui de St Jean formaient une communauté administrée par deux consuls à 10 et 12 livres chacun et un greffier à 15 livres.
La démagogie révolutionnaire y laissa quelques traces de son terrible passage. L’église fut pillée et fermée au culte et les prêtres forcés de s’expatrier.
Le village n’a jamais été fortifié, il parait que dans les moments de danger les habitants allaient se réfugier au château du Tournel.
Non loin est le hameau de Bonnetés, surmonté des ruines d’un château dont la seigneurie appartenait à la famille Sabran de Montferrand. Au XVIᵉ siècle, Claude de Sabran, bailli du Gévaudan, en était le seigneur ainsi que des Alpiers (cf. son intervention plus bas dans la page Au fil des siècles). Antoine de Sabran lui succéda et enfin Claude de Sabran qui eut l’honneur de figurer au nombre des gentilshommes de la reine mère Catherine de Médecis. Il mourut en 1620 et eut pour successeur Charles de Molette.
Le château de Bonnetés ne fut pas oublié par les soldats de Merle et du baron d’Alais, il résista néanmoins à leurs attaques réitérées. La révolution le ruina et vendit ses vestiges et dépendances au profit de la nation.
Conclusion (que je suis tellement loin de partager !) :
Enfin tel est le village du Bleymard qui, comme on le voit, n’a pas d’autre mérite que de figurer au registre des chefs lieux de canton de l’arrondissement de Mende.
3.4. Origine du nom : Le Bleymard
Première hypothèse
Dans un article paru dans lou pays de juillet–août 1990, mon cousin, André Raymond, émet une hypothèse très intéressante sur l’étymologie du Bleymard. Je le cite :
Le nom du village a-t-il une origine allemande, comme on peut le trouver dans certains écrits ?
Bley (allemand blei – plomb) et mard (pays). Ce serait donc le pays du plomb. La proximité des mines du Mazel inclinerait à penser que cette étymologie est la bonne, mais alors pourquoi des racines germaniques ?
Pourquoi, alors, ne pas oser une explication très hardie, pour ne pas dire imprudente : de nombreux écrits attestent que les gaulois savaient exploiter et traiter les métaux et ont fait naître les noms de certains lieux de ces exploitations (la Ferriere, Ferréol, Ferrussac, etc.) On peut donc imaginer que les gisements de plomb du Mazel aient pu être exploités, sinon par les Gaulois, du moins au Vᵉ siècle par les Visigoths succédant aux Romains ?
Deuxième hypothèse
Mon cousin, Maurice Buisson me suggère que, Bleymard serait une déformation du latin qui signifie « entre deux mers ». Il est vrai que Le Bleymard occupe une situation optimale en ce qui concerne le partage des eaux entre la Méditerranée (Altier) et l’Atlantique (Lot). La distance séparant les ruisselets qui alimentent ces deux rivières est minime au niveau des quatre chemins (Charamasse).
Toponymie
Mon ami Claude Teissier, amoureux s’il en est de l’histoire du Bleymard, me signale l’ouvrage Toponymes Lozériens d’origine gauloise de L. F. Flutre, qui recense de nombreux et divers noms de lieux.
Dans le court extrait de cette étude, rapporté ci-dessous, apparaît bien le nom du Bleymard.
Blesma ; Blisme (Nièvre) ; Belisma : 1287 ; …Toutes ces formes.. demandent un i bref ou un e long. Le termin. –sama- est généralement considéré comme un suff. à valeur superlative. (Dottin, p. 112) … Quant au radical, il semble bien qu’il se rattache à la racine i, e, bhel ; « clair brillant » comme celui de Belenos, le Dieu de la lumière. De là LE BLEYMARD nom d’un chef lieu de canton …(Blesmarium, Blismaryum.. Prototype: Blesmar (d’où Blemar par amenuisement du s).
Il n’est pas question d’émettre le moindre doute quant au sérieux d’une étude émanant d’un savant aussi éminent, mais il est peut être prudent de classer ces conclusions comme une hypothèse du reste très séduisante.
Je me permets très humblement d’oser un éclairage supplémentaire à cette hypothèse :
Le terme Belisima n’est pas associé au seul Dieu de la lumière mais aussi à la déesse du foyer, à l’artisanat du métal et du verre, et notamment à l’art métallurgique, et au tissage.
On peut donc raisonnablement trouver une concordance entre la toponymie gauloise « Belisima », et la source germanique, évoquée en premier, liant le nom du Bleymard à l’existence et l’exploitation des mines. Et pourquoi pas de la place importante de l’artisanat du tissage évoqué dans le site ? – voir aussi la partie sur le XVIIᵉ siècle
Cerise sur le gâteau de mn imagination, Belisima aurait possédé « un don de guérisseuse associé aux sources thermales » et Bagnols ne faisait il pas parti de l’ancien (hélas) canton du Bleymard.
Seul point d’interrogation, dans les chroniques du Tournel le canton est nommé Blaymard et son nom s’éloigne donc quelque peu de la toponymie gauloise qui utilise toujours la voyelle e après le l.
Force est d’en rester sur ces points de l’analyse pour le moment.
3.5. Scans


4. Description rédigée par A. Teissier le 29 mai 1874 (extraits)
Largement « inspirée » de la monographie de Boudoussier
Le Bleymard
Chef lieu de canton d’une altitude de 1055 m, il possède une population de 433 habitants répartis en 102 ménages et 92 maisons.
C’est la résidence d’un juge de paix, du greffier, d’un huissier, du receveur de l’enregistrement, du percepteur, d’un notaire, d’une brigade de gendarmerie à cheval, d’un bureau de poste. L’enseignement est donné, pour les garçons, par un instituteur public, et les filles reçoivent l’instruction des religieuses.
La paroisse est desservie par deux prêtres (un doyen et un vicaire) crée depuis peu. Son église restaurée pour la troisième fois depuis 1770 était avant la révolution la Chapelle de Peyrefioc à l’usage de la confrérie des pénitents blancs. Elle n’est devenue paroissiale qu’en 1802 et sous peu elle va céder sa place au nouveau bâtiment en voie de construction.
Sur les confins occidentaux existe, au milieu d’une terre labourable, une petite chapelle rebâtie dans de moindres proportions, dite de St Julianet, dépendant de St Julien du Tournel et fondée au XIVᵉ siècle pour desservir les villages du Mazel, des Faysses, qui n’existe plus, et de Malavieille trop éloignés de St Julien du Tournel.
Il y a, à coté de cette chapelle, un cimetière avec des caveaux ensevelis dans le roc et entourés de chaux. Il y a trois ans environ, le propriétaire en défrichant a trouvé un squelette entier, bien conservé. On suppose que des papiers importants ont été brûlés en 1793 en vertu de la loi de juillet.
Ce qui n’est pas douteux, c’est que toute la population du village n’était pas catholique.
Antérieurement petit village de 7 à 8 maisons, dont la moitié étaient de petits fiefs dépendant du Seigneur du Tournel, il est devenu chef lieu de commune à l’époque du concordat. Il a ensuite été choisi comme chef lieu de canton de préférence à d’autres localités voisines dont l’histoire locale offrait beaucoup plus d’intérêt (sic).
Cette localité possède une belle halle construite depuis 1848 environ les deux tiers de la population est commerçante ou vit de petits métiers se rapportant à la fabrication d’étoffes de laine, de serge ou de cadis. L’autre tiers s’occupe de travaux agricoles. Cette population sait soit par ses travaux soit par sa conduite suppléer à l’insuffisance des revenus. Il y a une certaine aisance qui n’existe pas, même dans des pays plus tempérés et plus favorisés.
Le climat est très froid et très humide à cause sans doute des courants meurtriers établis soit par le bassin du Lot, dont la source est à 1420 m, soit par celui de la rivière impétueuse de Coumbo-Sourdo qui va chercher ses eaux sur le versant septentrional du Mont Lozère à une altitude de 1625 m.
Malgré cette dureté du climat, les environs du Bleymard sont assez productifs. Sur la rive gauche du Lot les terres sont de nature calcaire, et, sur la rive droite elles sont schisteuses. On y cultive avec succès le froment, le seigle, l’orge, l’avoine, les pois, les lentilles très appréciées, la pomme de terre…

Pendant l’été deux fours à chaux fonctionnent pour la construction.
Des prairies artificielles sur lesquelles poussent les trèfles et autres grains, arrosées par le Lot et le Coumbo-Sourdo, sont de bonne qualité et d’un bon rapport c’est pourquoi elles sont très recherchées et valent le prix de dix à douze mille francs l’hectare.
Bonnetès
Petit village de la commune, situé au pied de la montagne du Goulet à 1 326 m. d’altitude, composé de 10 maisons donnant 47 habitants. Ce village est très humide, son terrain de nature schisteuse.
À l’exception du froment on y récolte les mêmes denrées qu’au Bleymard. On ne demande rien aux prairies artificielles, les prairies naturelles atteignent à peine la moitié du prix de celles du Bleymard.
St Jean du Bleymard
Ancien prieuré dépendant du château du Tournel, ancien chef lieu de la commune, ce village composé de 16 maisons et de 58 habitants est construit sur la route nationale 101 à une altitude de 1 050 m.
Érigé en succursale en 1841 cette paroisse est desservie par un prêtre seulement.
Son église est une belle construction bénédictine, dans le style des églises du XIIIᵉ siècle. On peut lire à une croisée sur la façade extérieure qui donne sur la route ces deux mots « André Prior » et dessinés deux lions et un soleil. (cf. photo ci-dessus)
Du côté opposé donnant sur le cimetière, on distingue un reste de voûte donnant naissance à un caveau où, selon certaines versions, le prieur se retirait pour se livrer à l’oraison.
À l’angle du mur du cimetière se trouve un arbre qui par ses proportions est digne d’une cité.3
Le presbytère a été détruit et remplacé par le prieuré, flanqué d’une tour.
Le village possède une croix en pierre d’une exécution remarquable. On y distingue un coq équeutant des grappes de raisin artistiquement sculptées, tous les instruments de la passion, un ostensoir et un calice. (cf. photos ci-dessus)
La population de St Jean est agricole…, les prairies en grand nombre arrosées par le Lot…se vendent au même prix que celles du Bleymard.
Valescure
Petit village au Nord-Ouest du Bleymard,à 1263 m. d’altitude se composant de 6 maisons et de 37 habitants. Terrain schisteux d’un rapport difficile, climat froid et humide, c’est le village le plus pauvre de la commune.
Les Baraques4
On donne improprement ce nom à trois belles maisons espacées sur la route 101, reliant, pour ainsi dire, St Jean au Bleymard. Elles donnent asile au roulage et à héberger les voyageurs.
Le Bleymard le 29 mai 1874 signé Teissier
- …et je suppose que la gourgue du Lahondès, où ma tante allait chercher l’eau, existait aussi. ↩︎
- Dans le document original il n’y a ni majuscules, ni accents, ni ponctuation, je le ai ajoutés pour faciliter la compréhension du texte, mais l’orthographe de l’époque a été maintenue. ↩︎
- Il s’agit de l’orme qui fit l’objet d’une retentissante polémique – voir L’affaire de l’orme de Saint-Jean ↩︎
- Les Baraques deviendront La Remise. ↩︎