Les écoles

  1. Généralités
    1. L’enseignement en Lozère vers 1900
    2. Les écoles au Bleymard
    3. La laïcisation des écoles
    4. Addendum : Historique de l’école privée des garçons
  2. Documents
    1. Exclusion d’Augustin Rouvière de l’école confessionnelle – 1859
    2. Plainte de M. Boudoussier – 1862
    3. Plainte contre M. Boudossier – 1870
    4. Enfants trop jeunes à l’école – 1899
    5. Fermeture de l’école de Valescure – 1901
    6. Demande au maire d’un peu de mobilier – 1901
    7. Demande de réparations – 1911
    8. Épreuves du certificat d’étude – 1940
  3. Photographies
    1. École du Bleymard – 1933
    2. École publique du Bleymard – 1937
    3. Les écoliers du Bleymard – 1956
  4. Hommage aux « hussards noirs de la république »

1. Généralités

1.1. L’enseignement en Lozère vers 1900

En 1900, l’enseignement était partagé entre l’école publique et les écoles confessionnelles.

  • Pour l’école publique on comptait, en Lozère, 8 cours complémentaires, 783 écoles, il n’y avait que 2 écoles maternelles et 14 internats.
  • Pour l’école privée : 104 écoles, 12 maternelles et 56 internats.

En 1881 à la suite de la loi de Jules Ferry instituant l’école gratuite et obligatoire, jusqu’à l’âge de 13 ans de nombreux villages demandent l’ouverture d’une école. C’est le cas de Valescure, de Saint-Jean du Bleymard, du Bonnetès… Les copies de deux démarches concernant les villages de Valescure et de Saint-Jean sont visibles ci-dessous.  

École de Valescure
École de Saint-Jean du Bleymard

1.2. Les écoles au Bleymard

Au Bleymard, l’école primaire était logée, à l’origine, dans la maison Balez, rue de la Campanade. En 1891, suite à la loi de 1886 instituant la laïcisation de l’enseignement, elle est transférée place de l’église (actuel gîte municipal) d’où les frères sont délogés. Elle abritait deux classes et employait donc deux instituteurs. Le cours complémentaire amenait les élèves de la sixième jusqu’au brevet avec deux professeurs.

L’école des frères se transféra dans la maison Pelorgeas jusqu’à son expulsion définitive le 3 août 1904.

L’école privée catholique officiait, pour les filles, dans le couvent qui fait suite à l’église. Deux religieuses se partageaient l’enseignement primaire. Elle recevait la quasi-totalité des filles du village. (Lorsque je fréquentais l’école primaire, il n’y avait qu’une fille pour une trentaine de garçons : Ginette Maurin, à laquelle j’adresse rétrospectivement, toute ma compassion !)

Une école privée pour les garçons, gérée par des frères, fonctionnait, d’abord au rez-de-chaussée de la tour Pelorjas, puis, dans le local qui devint la vicairie. Elle instruisit les garçons de 1875 à 1904.

Je ne l’ai, donc, pas connue, mais mon oncle Albert qui avait goûté à l’extrême dureté des frères, me rapportera à quel point il fut heureux lorsque ses parents l’inscrivirent à l’école publique de M. Massador.

La famille Massador a assuré l’enseignement pendant des années. M. Massador « dominait » les grands garçons. À son départ à la retraite Mme Raynal née Massador, prit le relais pour l’école enfantine, après Mme Arzalier, tandis que sa sœur Marie Massador se chargeait de l’école de Saint-Jean. 

Deux des trois enfants de Mme Raynal embrassèrent la carrière de leur mère : Jeanne qui débuta à Montredon et Henri (mon ami « Ricou ») qui prit le chemin de Valescure et termina Directeur du collège du Bleymard.

La prééminence puis le monopole de l’enseignement laïque, était complété, parfois contredit, par l’enseignement du catéchisme que nous prodiguait le curé Fraisse, tous les jeudis.

« Oh ! s’exclame Georgette, ces interrogations du dimanche matin à l’église au milieu de la messe ! »

Debout, sous le regard des parents et des voisins, nous devions répondre à la question posée par le curé Fraisse, censeur sévère qui exigeait une réponse complète, parfaitement articulée et audible.

Afin de prévoir la demande qui leur serait réservée, beaucoup comptaient les camarades qui les précédaient, sur le banc, pour jeter, furtivement, un regard sur le livret et se remettre en mémoire les réponses aux questions  qui n’avaient pas, encore, été posées.

L’application progressive de la loi de 1886 sur la laïcisation (cf. documents ci-dessous), amena lentement la disparition de l’école des frères d’abord, des religieuses ensuite.

Je pense que c’est au début des années 50 que l’école privée, des filles, cessa d’exister.

1.3. La laïcisation des écoles

Source : archives départementales de la Lozère

La coexistence des deux écoles n’allait pas sans heurts et animosités entre les laïcs, minoritaires, et les « bien-pensants » car des deux cotés il fallait recruter un maximum d’élèves.

Des deux cotés on s’en donnait à cœur joie :

  • sarcasmes des prêtres, au catéchisme, contre l’école sans Dieu,
  • réflexions appuyées de l’instituteur lorsque l’élève, enfant de chœur, arrivait en retard parce que l’office s’était un peu prolongé…

Mais tout cela restait bien anodin, durant mon enfance, au moins, je ne me souviens pas avoir connu d’importantes « affaires », peut-être du fait que l’école publique détenait le monopole d’accueil des garçons et surtout en raison du grand esprit de tolérance de notre instituteur, M. Guin.

1.4. Addenda : Historique de l’école privée des garçons

L’école des Frères se substitua à l’école publique après le départ de l’instituteur, muté à Grandrieu en 1875.

J’ai pu récemment recueillir le long l’historique de cette congrégation dont je livre ci-dessous quelques extraits.

Ce cahier est très long (26 pages) et comporte de nombreuses digressions. Je n’en livre donc que des extraits restant à la disposition des lecteurs pour leur fournir copie du document original.

Historique de la communauté du Bleymard

J. M. J. Jean Baptiste de La Salle

La fondation de la communauté date de 1875, elle est due aux saints prêtres Victor et Maurice OLIER le premier curé doyen du Bleymard le second curé de St Jean du Bleymard

[voir, in fine, lettre d’installation de la communauté]

Les frères remplacèrent un instituteur laïque nommé greffier de la justice de paix à Grandrieu …

Le cher frère Primitif et son adjoint le frère Aignan furent installés dans la maison communale … l’installation laissait à désirer, tout leur manquait … pendant 3 ans les frères n’eurent pour tout traitement que 1 898 F par an.

[suit une liste de travaux]

Malgré les réparations la maison des frères fut toujours mal commode : dans le bâtiment scolaire se trouvaient : les classes, le logement des frères, la mairie et la justice de paix. Au dessous des classes la halle aux blé.

Cette description laisse penser que cette maison abrita plus tard – en 1891– l’école primaire laïque des garçons, et le restera jusqu’à la construction du groupe scolaire (vers 1955).

L’école où j’ai reçu les inestimables enseignements de Mme Raynal et de M. Guin abritait les mêmes services sauf la mairie et je me souviens qu’une trappe insérée dans le plancher de la classe de Mme Raynal donnait sur l’ancienne halle au blé devenue  « le foirail ». Le bâtiment abrite aujourd’hui des gîtes communaux et la boucherie.

S’en suit une longue description des inconvénients dus à cette cohabitation dont j’extrais une pittoresque conséquence :

Les frères n’ayant pas de cave pour leurs pommes de terre et leur vin, le dessous d’escalier en tenait lieu [c’était également le cas à mon époque]. Pendant la classe certains enfants, trompant la vigilance du bon vieux Directeur, allaient quelque fois se désaltérer au tonneau, les frères buvaient ainsi les restes de quelques mauvais élèves. …

Nom des frères qui ont vécu avec le cher frère Primitif : Aignan, Agile, Achard, Adelman et Nil. …

En 1879 le cher frère Nil succéda au cher frère Primitif en qualité de Directeur.

[suit une longue description de fêtes somptueuses commémorant la béatification de  saint patron de la communauté : Saint Jean-Baptiste de La Salle]

La loi du 30 octobre 1886 ordonnant la laïcisation de toutes les écoles publiques, l’école du Bleymard ne pouvait échapper à ses coups et le 1ᵉʳ octobre 1891 le frères durent remettre le local à un instituteur laïque (vraisemblablement M. Massador). Ce fut un coup terrible pour la population et surtout pour le bon M. Olier. …

Sans se décourager une école provisoire fut installée … dans la maison dite Pelorgeas et ne fonctionnera qu’en octobre 1892. [suit un long exposé des travaux de réparation et de l’acquisition de la maison de M. Amouroux (plus tard la vicairie)] Chacun apporta sa petite obole.

Comme toutes les œuvres de Dieu, l’école catholique eut à lutter contre sa rivale laïque. Le maire d’alors M. Ernest Rouvière essaya à plusieurs reprises de conseiller aux habitants de ne pas envoyer leurs enfants chez les frères. Ses conseils ne furent pas suivis, l’école des frères eut tous les enfants excepté ceux des employés.

[encore une longue description des cérémonies d’inauguration et des travaux d’amélioration, par exemple la construction d’une citerne]

En 1898 la forge Pelorgeas fut affermée à M. Justin Devèze pour la somme de 60 F par an [cette forge que j’ai bien connue a été démolie pour élargir la rue du Couderc. Il ne reste que « l’enchastré » sur lequel l’Augustin Devèze ferrait les vaches et le bœufs].

Les 10, 11 et 12 mai 1901 un Te-Deum solennel fut célébré en l’église paroissiale en l’honneur de St Jean-Baptiste de La Salle, récemment canonisé par le pape Léon XIII.

[suit un très long développement sur les cérémonies]

Le 7 juillet 1904 le Sénat approuve le vote de la loi sur la suppression de congrégations enseignantes autorisées. Le Bleymard est du nombre. La notification est faite le 13 juillet au soir par le brigadier de Gendarmerie.

Le 2 août, messe pour les bienfaiteurs de l’école.

Le 3 août Les frères quittent le Bleymard pour toujours.

Lettre d’installation de la communauté

ÉTABLISSEMENT DU BLEYMARD 1ᵉʳ janvier 1877

M. le Curé va pourvu en partie aux frais d’installation des frères au Bleymard, la commune a fourni la maison.

L’établissement a commencé par cinq frères. Leur traitement de 1 000 F fourni par le département.

L’école est très rapprochée de l’église paroissiale où les Frères et les élèves entendent, tous les jours, la sainte messe.

Les enfants paient le chauffage de leur classe.

Les frais d’entretien de la maison sont à la charge de la commune, de M. le Curé et des frères.

Il n’y a pas de jardin.

2. Documents

Les documents qui sont présentés, ci-dessous illustrent quelques aspects de la vie des écoles au Bleymard dans un passé plus ou moins lointain.

2.1. Exclusion d’Augustin Rouvière de l’école confessionnelle – 1859

On constate que l’indiscipline et l’incorrection ne sont pas l’apanage de notre époque, ni d’ailleurs le parti-pris de certains parents à l’encontre de l’instituteur.

C’est cet enseignant qui est l’auteur de la monographie du village, voir Monographie de Boudoussier – 1862.

Bleymard le 29 janvier 1859

Monsieur l’Inspecteur,

Je prends la respectueuse liberté de vous exposer qu’un de mes élèves, Rouvière Auguste, âgé de 16 ans passés, m’a donné jusqu’ici par sa mauvaise conduite et ses entêtements, les plus vives inquiétudes. Je croyais d’abord que cet enfant d’ailleurs gâté de ses parents, ne se montrait que dissipé, paresseux, mais après une observation assidue d’un mois et demi j’ai acquis la douloureuse conviction que le vice déborde dans le cœur du jeune Rouvière et qu’il est le poison de mon école .

Comme les remontrances, punitions, les mesures d’ordre, les moyens préventifs ne m’ont nullement réussi, vu qu’il se trouve doué d’un caractère inopinément opposé à tout moyen de répression et que ses parents secondent aussi en partie ses entêtements, puisqu’ils m’ont bravé en ce que la volonté de leur fils fut faite, j’ai demandé à M. le maire si je devais compromettre ma classe en souffrant cette brebis galeuse. M. le maire m’a répondu que des abus de cette nature devaient être réprimés et que je ne pouvais plus admettre dans mon école dans la décision de l’autorité supérieure, le jeune Rouvière qui par son inconduite ne fréquente l’école que 22 jours l’année classique, tandis qu’on fut obligé de l’exclure le reste de l’année.

Monsieur l’Inspecteur, à votre autorité autant qu’à votre bienveillance pour vous prier de vouloir bien prendre cet exposé en considération et de vouloir bien m’informer si le jeune Rouvière, exclu provisoirement d’après les ordres de M. le maire doit avoir une exclusion définitive que je désire d’ailleurs pour le bien être de ma classe.

J’ai l’honneur d’être avec un grand respect, Monsieur l’Inspecteur, votre très humble et très obéissant serviteur.

L’Instituteur du Bleymard, Boudoussier

Source : archives départementales de la Lozère

2.2. Plainte de M. Boudoussier – 1862

Un instituteur libre, M. Boudoussier, insulté par deux Bleymardoises, demande à l’inspecteur d’académie son soutien auprès du ministère public.

On remarque :

  • l’extrême déférence des termes
  • le fait qu’à la réception de la lettre l’inspecteur se borne à mentionner en marge un unique regret : celui de constater que l’instituteur ait intenté une action sans son autorisation
  • la décision du juge de paix, cosignée par le curé et le maire, se limitant à attester de la bonne vie et mœurs ainsi que de la probité du plaignant, sans allusion aux deux insultantes

Extrait

Bleymard le 16 mai 1862

Monsieur l’Inspecteur

J’ai l’honneur de vous exposer que le 14 mai, je passais tranquillement dans la rue du Bleymard … à peine entré dans la boutique de M. C…ier que … Victoire Devèze … tint des propos ironiques à mon encontre, cherchant à provoquer une dispute. Après avoir écouté 5 minutes, je sortais … mais je fus accosté par Sophie Martin, mère de Victoire Devèze.

En ce moment les deux femmes m’accablèrent d’injures et diffamations les plus atroces. Ma moralité, mes fonctions, ma réputation et mon honneur eurent beaucoup à souffrir … en présence de plusieurs personnes.

Il me répugne de vous énumérer de si graves injures, néanmoins les principales vu que je suis traité de voleur attendu que j’ai fait perdre tous les commerçants du Bleymard. Une autre injure attaque mes fonctions, tu es un maître d’école de m. et, tu n’apprends rien aux enfants, tu es un lanquin, qui dans la localité signifie mauvais sujet … ces attaques faites en préméditation … d’après l’avis de M. le juge de paix, assignation a été donnée aux deux femmes pour comparaître en police correctionnelle du tribunal de Mende, vendredi prochain.

Jusqu’ici les instituteurs ont eu beaucoup à souffrir de la part de certaines personnes …

Il  y a un mois l’institutrice de St Jean fut injuriée mais, à défaut de preuves, elle n’a pu exercer des poursuites …

Au milieu de mes peines je viens vous supplier de bien vouloir m’accorder votre influence et votre protection  auprès du ministère public … pour me faire rendre justice. Le jugement à intervenir … produira les résultats désirés en assurant la liberté de l’enseignement.

Ci-joint un certificat de moralité.

Daignez agréer l’hommage de mon respect et de mon entier dévouement avec lesquels je suis, Monsieur l’Inspecteur, votre très humble et très obéissant serviteur.

L’Instituteur du Bleymard, Boudoussier

Certificat de moralité

Nous soussignés Emile Laviniole, juge de paix, Jean Sicard maire, Portal curé du Bleymard … certifions que le sieur Boudoussier est de très bonne vie et mœurs, jouit d’une probité intacte et est digne par son aptitude, sa moralité et sa capacité de se vouer au service de l’instruction publique. …

En foi de quoi nous avons délivré le présent certificat pour valoir à M. Boudoussier ce que de droit.

Le 18 mai 1862

Par ailleurs, il semblerait que ce religieux n’était pas en odeur de sainteté auprès des autorités, voir la suite…

Source : archives départementales de la Lozère

2.3. Plainte contre M. Boudoussier – 1870

Plainte contre M. Boudoussier, déposée par quelques pères de famille qui lui reprochent.   

  • de donner des vacances abusives,
  • de ne pas dispenser suffisamment d’instruction religieuse,
  • d’être particulièrement violent « Auguste Buisson est arrivé, chez lui, avec une touffe de cheveux arrachée avec tant de violence que le cuir chevelu en fut détaché… »

Les plaignants demandent son déplacement en ajoutant (humour ?) que ce déplacement serait bon pour sa santé compte tenu du climat !

Je suis persuadé que c’est de ce frère, ou plus probablement, de son successeur, formé par lui, que mon oncle gardait des souvenirs cuisants.

Les soussignés pères de famille du Bleymard, Lozère, et dont les enfants fréquentent l’école des garçons, certifient que M. Boudoussier Étienne, instituteur communal au Bleymard, exerce ses fonctions avec une négligence très notable et préjudiciable aux familles.

Pour le moindre prétexte il donne vacance, c’est ainsi que, depuis le mercredi 24 janvier dernier jusqu’au samedi de la même semaine, il n’a pas fait de classe. Il l’a faite depuis le 31 jusqu’au vendredi 4 février, le soir seulement.

De plus, il ne s’occupe pas ou presque pas des enfants au-dessous de 9 ans, et l’instruction religieuse de ses élèves est si défectueuse qu’elle semble exclue de son école.

De plus, il lui arrive de maltraiter les enfants avec violence. Ainsi Auguste Buisson est arrivé chez lui l’année dernière, il avait 8 ans, avec une touffe de cheveux arrachés avec tant de violence que le cuir chevelu en fut détaché de l’os et forma pendant quelques temps une protubérance d’environ 3 centimètres de diamètre. Bruisson Auguste, soussigné le certifie, Julien Felgeyrolles soussigné certifie aussi, et il a des témoins que son fils Julien, âgé de 9 ans lui, est arrivé dernièrement de l’école, les épaules chargées de cheveux que lui avait arrachés l’instituteur après lui avoir donné une volée de coups de verges.

Pour ces motifs, les soussignés désirent vivement le changement de M. Boudoussier, d’autant que le rude climat du Bleymard en altérant sa santé, ne lui permet pas de faire régulièrement sa classe. Les secours qu’il a obtenus de la caisse de l’association mutuelle des instituteurs en font foi.

Fait au Bleymard le 20 février 1870

Source : archive départementales de la Lozère

2.4. Enfants trop jeunes à l’école – 1899

Plainte de l’inspecteur d’académie contre le directeur de l’école privée qui reçoit des enfants de moins de 7 ans et qui termine sa lettre en espérant que le contrevenant « s’empressera de rendre à leur famille tous ceux de ses élèves qui ont moins de 7 ans ».

Bleymard
Mende, le 13-9-1899

Monsieur le Directeur,

Je suis informé que vous recevez dans votre école des enfants de moins de sept et même de moins de 6 ans, alors qu’il existe une classe enfantine au Bleymard.

Vous enfreignez ainsi l’art. 36 de la loi du 30 août 1886, ainsi que l’art. 18 du décret du 18 janvier 1887 qui assimile les écoles privées aux écoles publiques pour les conditions d’âge des élèves à admettre.

Je pourrais donc vous faire poursuivre devant le tribunal correctionnel et demander contre vous l’application de l’art. 40 de la loi du 30 août 1886 qui prescrit, pour une première infraction, une amende de 100 à 1 000 F, plus la fermeture de l’école.

Je préfère user d’indulgence à votre égard et me contenter de vous avertir que, si une pareille infraction à votre égard était relevée de nouveau dans votre école, je serai dans l’obligation de sévir.

Je suis convaincu d’ailleurs que je n’aurai pas à user de rigueur et que dès la réception de ma lettre, vous vous empresserez de rendre à leurs familles tous ceux de vos élèves qui ont moins de sept ans.

Agréez, Monsieur le directeur, l’assurance de ma considération distinguée.

L’Inspecteur d’Académie

À Monsieur Cortial, Directeur de l’école privée du Bleymard.

Source : archives départementales de la Lozère

2.6. Demande au maire d’un peu de mobilier – 1901

Le Bleymard, 1er juin 1901

Monsieur l’Inspecteur d’Académie,

Au début de l’année scolaire je vous ai informé que mon école était dépourvue d’armoire bibliothéque et de bureau.

Monsieur le Maire a reçu l’invitation de Monsieur le Préfet de vouloir bien pourvoir mon école de ce mobilier indispensable.

Aucune suite n’a été donnée à cette invitation. Aussi je viens vous exposer encore une fois mes besoins et vous prier de vouloir bien soumettre le cas à Monsieur le Préfet pour qu’il veuille bien mettre Monsieur le Maire du Bleymard en demeure de me fournir les objets demandés.

Les prix approximatifs sont :

  • Bureau avec estrade : 20 francs
  • Armoire bibliothèque : 40 francs
    Total : 60

Veuillez agréer, Monsieur l’Inspecteur d’Académie, l’assurance de mon respectueux dévouement.

M. Arzalier, instituteur public

À Monsieur l’Inspecteur d’Académie à Mende.

Source : archives départementales de la Lozère

2.5. Fermeture de l’école de Valescure – 1908

Dénonciation par l’instituteur de Saint-Jean, à l’inspecteur d’académie, de l’existence d’une école clandestine à Valescures.

Section de St Jean

L’Instituteur public de St Jean du Bleymard à Monsieur l’Inspecteur d’Académie à Mende.

J’ai l’honneur de vous informer que l’école clandestine du hameau de Valescure dont je vous entretenais jeudi dernier, reçoit environ une dizaine d’enfants dont six fréquentaient l’école de St Jean.

L’instituteur qui a ouvert l’école est installé chez le sieur Blanc Justin, propriétaire à Valescure.

À mon avis, avant d’employer les moyens extrêmes qui indisposeraient les habitants de Valescure à mon égard, il serait bon d’inviter l’instituteur dont il s’agit à fermer son école induement ouverte.

Au Bleymard, le 26 novembre 1908
L’instituteur public

Source : archives départementales de la Lozère

2.7. Demande de réparations – 1911

Les prétentions sont très modestes (blanchissage).

On note une allusion à la politique qui motiverait, et même justifierait (sic) l’inertie du maire (a priori un « bien pensant » certainement M° Ferrand).

L’institutrice publique du Bleymard à Monsieur l’Inspecteur d’Académie de la Lozère

J’ai l’honneur de vous informer que, malgré mes nouvelles démarches auprès de M. le Maire, les réparations demandées pour mon école n’ont pas encore été faites.

Par contre, d’importantes réparations qui étaient à la charge de la Commune ont été faites, dont toutes les autres écoles.

Seul le blanchissage de ma salle de classe qui incombe au propriétaire, Médard, n’a pas été fait.

L’inertie de M. le Maire me paraîtrait injustifiable si elle n’avait pour cause des raisons d’ordre politique.

En présence d’un tel état de choses, M. le [Préfet?] ne pourrait-il pas, usant du droit que lui confère le [loi?], faire procéder d’office aux réparations les plus urgentes et les cela aux frais du propriétaire ?

Je me permets de vous rappeler à seule fin de montrer le bien-fondé de mes réclamations, que certaines pièces de mon logement n’ont pas été blanchies depuis 1903 et que la salle de classe n’a pas été blanchie depuis 1906.

Bleymard, le 13 septembre 1911
L’institutrice publique
A. Massador

Source : archives départementales de la Lozère

2.8. Épreuves du certificat d’étude – 1940

3. Photographies

3.1. École du Bleymard – 1933

Je n’ai retrouvé qu’une seule photographie des écoliers du primaire. Elle date de 1933, j’ai connu tous ceux qui y figurent, dont mon frère, Camille, au premier rang. Fort peu (une dizaine) sont encore parmi nous, et on peut regretter l’absence des maîtres sur le cliché.

3.2. École publique du Bleymard – 1937

La photographie ci-dessus, a été vraisemblablement prise en 1937 et regroupe la minorité des filles appartenant à six familles laïques dont deux familles d’instituteurs du Bleymard.

3.3. Les écoliers du Bleymard – 1956

4. Hommage aux « hussards noirs de la république »

Je ne puis clore, même provisoirement, cette page consacrée à l’école sans rendre hommage et exprimer ma reconnaissance aux maîtres qui m’ont tant donné :

Mme Raynal qui rendait sa classe, des petits, si attrayante et savait interrompre les leçons et exercices pour nous lire des histoires merveilleuses (Ô ! « Grand Klauss et petit Klauss »)

La biche brame au clair de lune

La biche brame au claire de lune
Et pleure à se fondre les yeux :
Son petit faon délicieux
A disparu dans la nuit brune.

Pour raconter son infortune
À la forët de ses aieux
La biche brame au clair de lune
et pleure à se fondre les  yeux.

… etc …

Maurice Rollimat

M. Guin, Saint laïque s’il en fut, passionné par son métier et qui, pour me donner toutes mes chances, me recevait bénévolement, dans son logement de St Jean, pour me préparer au concours des Bourses et nous accompagna, ma mère et moi, à Langogne pour ce concours sans lequel j’aurais certainement terminé ma carrière scolaire beaucoup plus rapidement.

M. Guin

Ces instituteurs du « primaire », « Hussards noirs de la République », considéraient leur métier comme un véritable sacerdoce. Leur combat était tourné vers l’avenir de leurs élèves avec pour immédiate ambition leur succès au certificat d’études, examen de nombreuses embuches :

  • longues dictées sanctionnées par un zéro éliminatoire à partir de 5 fautes 
  • épreuve de calcul se référant parfois à l’actualité

Exemple d’un problème posé au Bleymard pour le certificat d’études de 1916 :

La cartouche (charge et obus) du 75 pèse environ 8 kg et revient à 30 F.

Quelle serait la dépense occasionnée et le poids de munitions nécessaires pour 12 batteries de 4 pièces de canon tirant pendant 5 minutes, chaque canon tirant 20 obus par minute.

Leur objectif, à plus long terme était de voir leurs meilleurs élèves « continuer », c’est-à-dire ne pas arrêter l’école à 14 ans, mais poursuivre, d’abord en entrant au « cours complémentaire » après avoir réussi l’examen d’entrée en sixième (DEP).

Prenaient alors la suite :

Mlle Devèze qui savait comme personne faire des mathématiques et des sciences des matières vivantes et même amusantes. Je revois encore son sourire après l’aboutissement d’une belle démonstration.

M. Bros, puis M. Gachon, pour la passion de la lecture qu’ils m’ont communiquée. M. Gachon, qui, après le brevet, n’a économisé ni son temps ni ses démarches auprès de ma mère, pour la convaincre de m’envoyer, pensionnaire, au lycée et qui lorsque je « montais » au Bleymard continuait à me prodiguer ses conseils.

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