Le Château du Tournel


L’histoire du Bleymard ne peut faire abstraction de celle du château du Tournel dont voici une ébauche.
- Ébauche d’historique – La baronnie du Tournel
- La libération du château par les lavandières
- L’histoire, ou la légende, d’Aymerie
- Extraits du serment prêté par le seigneur du Tournel à l’évêque de Mende (5 juillet 1209)
- L’histoire, ou la légende, du « ron de Tournemire »
1. Ébauche d’historique – La baronnie du Tournel
La légende veut que les baronnies du Gévaudan furent crées par un berger Mendois, qui ayant enlevé puis épousé la fille du roi de Hongrie, eut sept fils au bénéfice desquels le roi de Hongrie, pas rancunier, acheta sept baronnies du Gévaudan : Apcher, Canillac, Cenaret, Florac, Peyre, Randon et Le Tournel. À la mort du roi, l’Évêque de Mende reprit la possession de ses biens.
Le château du Tournel, dont le nom provient de Tour, était parmi les plus grands du Gévaudan. Les seigneurs du Tournel dominaient à la fois les causses Mendois et du Valdonnez, les Cévennes de Villefort et la Haute Vallée de l’Olt (actuellement : le Lot puis Combesourde).
Le site est réputé imprenable et sera donc une place forte importante pendant les multiples guerres qui sévissent en Gévaudan.
Il est assis sur le haut d’un fort et grand rocher et ses appartements étaient au moins à vingt mètres au dessus de la première porte.
Le château était composé de six tours et il fallait franchir sept portes avant de pouvoir y pénétrer. Les passages entre deux portes étaient souvent proches de la falaise qui domine le Lot.
Une citerne était creusée dans l’endroit le plus élevé du château et plus bas un cachot, l’un et l’autre étaient taillés dans le roc et d’une extrême profondeur.
Un plan des ruines fut dressé en 1905, et sur le site on peut en retrouver encore les détails décrits dans le schéma ci-dessous.

Du temps que les protestants venaient ravager le pays, un certain parti qu’on appelait les Camisards des Cévennes sous la conduite d’un nommé Gasque se rendirent maître du château, au commencement du XVIIᵉ siècle. Ils en profitèrent pour exercer des cruautés et de grands ravages dans cette commune et sur les autre terres du seigneur.
Note : le texte cité est extrait de la monographie de l’instituteur de Saint-Julien-du-Tournel, Durand, écrite le 30 juin 1862.
Au sud et au nord se trouvaient les maisons du village. Les habitants, de condition plus que misérable, suppléaient souvent les animaux pour les transports et les labours !
Ils étaient notamment tenus, à défaut de pluie, à la corvée d’eau pour remplir la citerne à partir de l’eau de la rivière. On peut imaginer, au vu des lieux, ce que pouvait représenter ce terrible cheminement.
C’est au prétexte d’une de ces corvées qu’un événement mémorable se produisit.
Alors que les huguenots occupaient le château, le gardien, Boulet, fit prévenir le seigneur qui résidait au Boy, puis il entraina au dehors pour un prétendu butin la petite troupe des occupants dont le chef Gasque resta seul au château.
Le marquis arrive du Boy et demande aux femmes du village une corvée d’eau. Les femmes entrent dans l’enceinte et forcent Gasque à s’enfuir. Le gardien, Boulet après avoir semé les huguenots revient alors au château libéré.
C’est certainement de cette histoire, que naquit la légende des lavandières narrée plus loin. Elle est un peu moins poétique mais elle a le mérite de l’authenticité.
Les Tournels sont désignés selon les périodes : seigneurs, barons ou parfois marquis. La baronnie du Tournel est souvent liée, par mariage, à celle de Châteauneuf.
Ces seigneurs ou barons guerroyaient beaucoup en Gévaudan ou ailleurs (croisades). Ils n’étaient pas tendres envers les misérables serfs, placés sous leur « protection »… ni entre eux… (cf. 3. L’histoire, ou la légende, d’Aymerie)
Leurs « possessions » sont divisées en cinq mandements : Tournel, Chapieu, Montialoux, Montmirat et Montfort, le château du Tournel en étant la pièce majeure et centrale.
Les Tournels sont très proches du pouvoir ecclésiastique, leur possession de Chapieu, à côté de Mende, a été érigée par l’évêque Aldebert III du Tournel. Ceci n’empêche pas les querelles d’intérêt. (cf. 4. Extraits du serment prêté par le seigneur du Tournel)
À partir de 1307 les Tournel utiliseront le château du Boy certainement plus confortable.
Les châteaux autour de Mende (Balsièges, Montialoux, …) seront détruits pendant les guerres de religion par les troupes de Merle.
Le château du Tournel sera également occupé et en partie détruit par les huguenots (pas si imprenable que ça donc !). Il sera finalement libéré. (cf. 2. La libération du château par les lavandières)
Il sera ensuite abandonné et jamais restauré.
Selon les anciens, le château était complété de tours de guet le long de la vallée du Lot. Ce serait le cas du « ron de Tournemire » qui domine le Lot à un peu plus de 2km du Bleymard (au niveau du « gouffre de l’homme mort »). Il existe également, au sommet de la butte qui domine la « Presqu’île », un rocher percé d’un trou à travers lequel on a une vue assez large sur la vallée. Mes parents ont toujours prétendu qu’il s’agissait d’un poste de guet (?) (cf. 5. L’histoire, ou la légende, du « ron de Tournemire »)


2. La libération du château par les lavandières
C’était du temps où les guerres de religion partageaient en deux camps hostiles les gens du Gévaudan. Les protestants s’étaient emparé du château du Tournel, chassant les défenseurs et les hommes du village.
Seules les femmes avaient obtenu le droit de rester au village. Un jour, elles se présentèrent ensembles aux portes du château, parce que, prétendirent-elles, c’était le jour de la lessive. Elles purent ainsi pénétrer dans l’enceinte pour recevoir tout le linge sale à laver. Elles profitèrent de leur circulation dans le château pour compter le nombre de soldats présents et espionner les défenses.
Elles descendirent à la rivière, lavèrent puis étendirent au soleil le linge à sécher. Le soir elles se présentèrent au château pour livrer le linge propre. Sans méfiance, le garde ouvrit la lourde porte. Mais, les soldats du parti catholique, prévenus par les lavandières, avaient gravi les pentes escarpées en se camouflant dans les rochers et les moindres recoins. À l’instant même où les portes s’ouvraient, ils se ruèrent à l’intérieur du château, et se livrèrent au carnage et pillage habituels. Ils hissèrent sur la plus haute tour l’étendard du baron.
3. L’histoire, ou la légende, d’Aymerie
Un beau jour de printemps, le seigneur du Tourrnel partit aux croisades pour libérer la Terre Sainte avec ses hommes et son jeune page Aymerie. Au château ne restent que les femmes, les enfants mais aussi quelques soldats ayant trouvé un prétexte pour rester à l’abri.
Gillette, la femme du seigneur et sa servante Yolande, s’ennuyaient mais elles refusaient les avances des quelques « planqués » restés au Tournel.
Et voilà que le bel Aymerie arrive au château, porteur d’une mauvaise nouvelle : le seigneur avait été tué au cours d’une bataille décisive et gagnée, belle consolation, par les croisés !
Yolande fut ravie du retour du page qui était son amant. Mais la riche veuve intéressait davantage Aymerie qui délaissa la servante pour faire sa cour à Gillette.
Alors, Yolande ivre de rage et de jalousie poignarda son amant puis se donna la mort.
Le lendemain, coïncidence, les chevaliers du baron arrivent à leur tour au château et révèlent à Gillette que la mort de son époux est due à la trahison du page, qui donc avait prémédité de prendre la place de son seigneur dans le lit de Gillette.
À cette époque on ne badinait pas avec l’amour : Gillette fit pendre le corps d’Aymerie à la plus haute tour du château où il resta longtemps avant de disparaître par une nuit sans lune.
Gillette, qui avait perdu son époux et son amant, finit ses jours dans un couvent.

4. Extraits du serment prêté par le seigneur du Tournel à l’évêque de Mende (5 juillet 1209)
Ce texte semble prouver que les pouvoirs du seigneur du Tournel n’étaient pas aussi considérables qu’on pourrait le penser, soumis qu’il était à l’omnipotente église de Mende.
À noter également que la fin du traité est rédigé en langue vulgaire qui évoque déjà notre irremplaçable patois.
Prestation de serment de foi et hommage par Odilon Guerin, seigneur du Tournel, à l’évêque de Mende (5 juillet 1209)
Odilon GURERIN reconnaît à l’évêque de Mende la régale et tous les biens et droits qui en dépendent dans tout l’évêché de Gévaudan. Par suite, il prête serment de foi et hommage ventre les mains de Guillaume de Peyre, archidiacre de Mende, vicaire de Mende.
Ce serment impose au seigneur du Tournel et à ses successeurs le obligations suivantes :
1 - À tout changement, soit d’évêque, soit de vassal, les châteaux tous en fief de l’évêque lui seront rendus à première réquisition, à lui ou à son mandataire.
2 - Si l’église ou l’évêque de Mende a procès ou guerre, le seigneur du Tournel lui doit rendre le château qui serait plus utile pour venir à bout de ses ennemis, sans être pour cela dégagé de l’obligation de lui porter secours autant qu’il pourra.
3 - Même obligation encore si l’un des hommes du seigneur du Tournel devient l’ennemi de l’évêque ou de l’église de Mende.
4 - Dans les châteaux ainsi remis entre ses mains l’église ne se doit entremettre ni de claims ni de justice, fors de batailles de trahison, à moins que le seigneur du Tournel ne fasse pas justice du mal qui a été commis.Daus l’autra part en Aremans de Peyra prebost e en Guilhems de Peira Achediacre de Mende, tenens la vicaria de l’evesquat per nome per mandamen de monsenher. EN Guilhem l’evesque, ab voluntat e ad consetimen espres dels chanons, et del chapitol de la gleisa, prometen que jamais l’evesque ni la gleisa o negun hom ……….no do ni auctore lo menatge ni negun dels fieus que tu tengues de la gleiso, per so que tu aquels tengues de la gleisa, e tu d’aquel, se tu aisu no volias ….E se negus hom de l’evesquat o de foro l”evesquat te movia guerra ….nos te prometen que il gleisa t’en valla tos temps ab tot son poder.
Source : archives départementales de la Lozère

5. L’histoire, ou la légende, du « ron de Tournemire »
Légende ou histoire ? Mes parents me racontaient qu’au sommet du rocher de la Presqu’île un poste de guet permettait aux seigneurs du Tournel de surveiller la vallée du Lot et de communiquer avec une tour située en amont : le ron de Tournemire.
Il est vrai que sur la partie la plus élevée de la Presqu’île, il existe toujours un rocher percé d’une sorte de meurtrière à travers laquelle on voit la vallée, et le rocher dit de Tournemire.
Mes dernières recherches aux archives départementales me permettent de confirmer, au moins, l’existence du château de Tournemire. Dans sa monographie écrite le 30 juin 1862, l’instituteur de Saint-Julien-du-Tournel, DURAND, écrit :
Entre Saint-Jean et le Tournel, à la gauche du Lot, était un château qui appartenait à la maison du Tournel. Assis sur un grand rocher du nom de Tournemire, il était environné par le Lot du côté du levant du Nord et du Couchant.

En ce qui concerne Tournemire, avant que la croissance des fayards n’en cache pratiquement la vue, ce rocher semblait être l’assise d’une tour dont on apercevait l’ébauche. Il est également vrai qu’un chercheur de trésor, qu’on surnommait lou néchi (le fou), avait creusé sur le flanc de ce rocher une fosse rectangulaire de plus de deux mètres de profondeur. Ce trou était parfaitement visible de la route.
