Activités
- Le travail et la vie économique
- Patentes et rapport du contrôleur – 1846-1861
- Les commerces du village racontés par Georgette Combes
1. Le travail et la vie économique
Les, de plus en plus rares personnes qui ont connu le Bleymard dans ces années voient avec une profonde tristesse leur village mourir lentement. Il suffit de parcourir la rue principale, en dehors de la période estivale, pour être impressionné par le spectacle des portes et volets clos, et il suffit de fermer les yeux pour revoir l’animation qui régnait alors.
Les mines du Mazel, en pleine exploitation, employaient pratiquement une personne par famille en plus des ouvriers venus de l’extérieur (cf. ci-dessous un article de M. H. Gallon, Directeur des mines).
Mais surtout la manière de vivre était différente : tout était concentré au cœur du village (écoles, cours complémentaire, commerces…) et puis il n’y avait ni radio ni télé donc on sortait, on palabrait, on se « fréquentait ».
Qu’on en juge par cet inventaire qui, peut-être en étonnera plus d’un, le Bleymard abritait :
- 1 huissier de justice
- 1 juge de paix
- 2 notaires (Rouvière et Ferrand)
- 2 forgerons, maréchaux-ferrants (Ferrier, A. Devéze)
- 2 charrons (M. Pons, E. Devéze)
- 2 cordonniers (Bataille, Combes)
- 1 sabotier (Reboul « Maginot »)
- 1 tailleur (Felix Farges)
- 2 menuisiers (F. Peytavin, Folcher « Galope »)
- 1 coiffeur (Ullysse) et 1 coiffeuse (Solange)
- 1 buraliste employé des « indirectes » (lou Bizat)
- 1 percepteur
- 1 bureau de poste de plein exercice
- 1 ligne d’autobus régulière Mende – Villefort (Tessier – Devéze)
- 2 exploitants forestiers (A. Reboul, H. Médard)
- 2 marchands de bestiaux (P. Farges, Aug. Reboul « le Filliat »)
- 1 marchand de vins, bière, charbons (A. Reboul)
- 3 bouchers (Alméras, Galtier « Madagascar », Robert « lou mouonti »)
- 2 boulangers (Buisson, Mazoyer « Frégade »)
- 1 mercerie (Mme Boiral)
- 1 quincaillerie (B. Devèze)
- 1 bazar (Ullysse)
- 6 épiceries (Galtier, Montavit, Palmier, Médard, Maurin, Folcher)
- 9 bistrots (Rieu, Bouquet, Alméras, Madagascar, St Jean, dont 4 hôtels restaurants : Médard, Quintin, Farges, Teissier)
Certes quelques uns cumulaient plusieurs de ces activités, mais cela faisait du monde quand même !
L’été, en dehors des 4 hôtels, un nombre important d’estivants, les « buveurs d’air », étaient reçus, en « garni », chez l’habitant. Ils faisaient partie du village et souvent, presque, de la famille. Qui ne se souvient de Ricomes, Puigs, Castagnos, Pachés, etc.
Enfin beaucoup de Bleymardois travaillaient de petites exploitations agricoles, terriblement morcelées, au fur et à mesure des héritages. Si ma mémoire ne me trahit pas, je compte 23 de ces petits paysans qui possédaient de 3 à 8 vaches et une dizaine de moutons gardés par le berger communal (je l’avais oublié).
Cet inventaire – à compléter par toute bonne volonté – ne peut traduire le plaisir qu’il y avait de vivre cette époque (sortie des écoles, batailles de boules de neige, rentrée et tri des brebis au crépuscule, sortie de la messe le dimanche et belotes à la suite ou à la place, promenades après souper sur la route de Saint-Jean ou « sous maméjane », parties de traineau, les couades en ménou sur la descente de la place préalablement verglacée par obstruction, la veille, de l’écoulement de l’abreuvoir, la naoutcho …
2. Patentes et rapport du contrôleur – 1846-1861
Addenda : Pour compléter et préciser cette énumération on trouvera ci-dessous, bien que largement antérieures les transcriptions du registre des patentes de 1846 à 1861 découvert récemment aux archives départementales (réf. A.D. de Lozère cote 2P 344). Ce tableau est précédé d’un rapport du contrôleur des finances qui apporte une description, souvent peu flatteuse, de « la ville » du Bleymard. Notons que le rédacteur n’hésite pas à décrire « l’aspect repoussant de la pauvreté » :
Extraits du rapport du contrôleur de l’enregistrement – vers 1861 (non daté)
… la ville réunit, à cette date 490 âmes… la position est assez pittoresque… mais si vous ne voulez pas emporter avec vous un impression fâcheuse : n’y entrez pas, vous n’y trouveriez que des rues tortueuses à pentes rapides, plus pénibles à parcourir que les plus mauvais chemins. Des maisons mal bâties qui présentent l’aspect repoussant (sic) de la pauvreté, de la saleté partout. Entrez dans les auberges, dans le cafés dans les maisons particulières, vous sentez tout d’abord une odeur de fumier et de pourriture qui soulève le cœur et qui vous poursuit encore lorsque vous avez quitté la ville tant l’impression est forte. Et cependant ce bourg est un chef lieu de canton…
… Les ruisseaux ont trop peu de puissance naturelle comme force motrice, ils donnent le mouvement à 3 moulins, mais en captant l’eau dans des bassins pour qu’elles puissent au moyen de chutes acquérir la force nécessaire. La force motrice est de 2 chevaux pour les 2 moulins situés dans le bourg qui ont chacun 2 paires de meules et d’un cheval seulement pour celui qui est à St Jean et qui n’a qu’une meule.
… Le sol mériterait beaucoup d’engrais et un travail bien compris, mais malheureusement, la commune n’est pas plus avancée que les autres dans le rapport à l’agriculture. On cultive les terres comme on les a cultivées dans les temps les plus reculés, on se sert de la charrue romaine traînée par des bœufs ou des vaches… on engraisse la terre au moyen de fumier que l’on retire des étables… on parque les bêtes à laine pendant toute la belle saison. Le parcage est un droit appelé nuit de fermeture que la commune se réserve. Lorsque les pâturages sont affermés par les troupeaux du Languedoc, cette ressource est d’autant plus grande pour les habitants qu’elle leur procure et l’argent et le moyen de mieux fumer leur terre…
… Les bois de la commune sont de mauvais taillis d’essence de hêtre, insuffisants pour les besoins de la localité.
… Les habitants du Bleymard n’ont pas d’industrie.
… La route impériale de Mende à Pont St Esprit longe le Lot et est séparée du bourg, dont elle est distante de 200 m environ, et auquel elle se rallie par un pont jeté sur la rivière et un tronçon de chemin… Il y a en outre divers sentiers en mauvais état soit pour aboutir au Pont de Montvert soit pour aller à Chateuneuf ou Chasseradès mais ils sont impraticables pendant l’hiver.
… La population du Bleymard est pauvre, une partie des habitants émigre pendant l’hiver pour aller chercher du pain et du travail dans le Languedoc ou la Provence.
Développement par classe et nature de profession des résultats relatifs aux patentes
| Classe | Profession | Nombre | Valeur locative |
|---|---|---|---|
| 1ᵉʳ | Marchand d’ovins en gros, expéditeur d’œufs | 1 | 80 |
| 4ᵉ | Cafetier | 1 | 100 |
| 4ᵉ | Courtier de marchandises | 1 | 40 |
| 4ᵉ | Cafetiers | 4 | 50 |
| 4ᵉ | Marchands de bestiaux, aubergistes | 3 | 110 |
| 5ᵉ | Aubergistes | 2 | 250 |
| 5ᵉ | Boulangers | 2 | 200 |
| 5ᵉ | Épiciers | 2 | 120 |
| 5ᵉ | Fermier de droit des halles | 1 | 40 |
| 5ᵉ | Marchand d’eau de vie | 1 | 120 |
| 6ᵉ | Marchand de bière | 2 | 120 |
| 6ᵉ | Cabaretiers | 4 | 180 |
| 6ᵉ | Graines au détail | 2 | 120 |
| 6ᵉ | Maçon | 1 | 90 |
| 6ᵉ | Maréchaux-ferrants | 4 | 200 |
| 6ᵉ | Mercerie | 1 | 40 |
| 6ᵉ | Charpentier | 1 | 80 |
| 6ᵉ | Cordonniers | 2 | 80 |
| 6ᵉ | Bouchers | 2 | 100 |
| 6ᵉ | Menuisier | 1 | 60 |
| 6ᵉ | Marchands de tissus | 2 | 160 |
| 6ᵉ | Tailleurs d’habits | 2 | 120 |
| 7ᵉ | Épicier | 1 | ? |
| 7ᵉ | Hongreur | 1 | ? |
| Tableau D | Huissier | 1 | 45 |
| Tableau D | Notaires | 2 | 225 |
| Tableau D | Officier de santé | 1 | 160 |
| Greffier | 1 |
3. Les commerces du village racontés par Georgette Combes
La description, rapportée ci-dessous, que donne Georgette Combes, donne vie à cette froide énumération :
En bordure de la rue principale et à partir de la place basse :
- on entrait chez Baptistine Devèze pour l’épicerie et la quincaillerie ;
- chez Alméras, on vendait viande fraîche et charcuterie ;
- chez le Marius Galtier on trouvait tout : fruits, légumes secs ou frais… et même, le vendredi, la morue dessalée ;
- chez le Madagscard « le Macar », la boucherie précédait le bistrot ;
- chez la Boiralde, la mercerie ;
- chez la Nanette l’épicerie ;
- chez « Peytavin », lou pastissou, fougasses, pompes, jésuites, masseppains… mais aussi du pétrole dont l’odeur envahissait la boutique ;
- chez « la Poulitoune » encore l’épicerie1 ;
- chez la Marcelle, encore de l’épicerie, de la laine Sofil, du chocolat Tobler dont on collectionnait les images pour obtenir, à force de patience, un jouet en celluloïd ;
- et la Félicie du « Mouonti », bouchère de talent2 ;
- nous avons totalement remonté la rue… pour redescendre vers l’épicerie de l’Augustine Farges… devenue Folcher après avoir épousé « le Garou » et décédée prématurément d’une phlébite.
À noter que pour fidéliser les clients chaque épicier distribuait de tickets primes attachés aux achats (café Niger, chocolat Tobler, etc.) et qui donnaient droit à un certain nombre d’éléments de services ménagers. C’est ainsi que j’utilise encore le service de table collecté par ma tante grâce aux primes de la Nanette (Antoinette Palmier, je crois).
Il y avait aussi deux boulangers :
- chez Frégade, nous prenions le pain au levain tous les jours, pain cuit au four à bois, à l’ancienne, comme on dit aujourd’hui ;
- chez Buisson, dit « Le Four », une superbe balance à plateaux suspendus trônait sur le comptoir… et, devant la porte, la jument attelée à une jardinière chargée de miches de seigle ou de froment attendait l’ordre du patron, « l’Edouard du Four », pour prendre le chemin du Mazel et d’Orcières.
Le pain était pesé et l’appoint fait avec un quignon, qui arrivait rarement intact à la maison. De plus, pour les clients qui payaient en fin de mois, pour chaque kilo acheté, une encoche était faite sur deux petits liteaux de pin, l’un conservé par la Mélie, l’autre par le client. En fin de mois on comparait et éventuellement on ajustait.
Je me souviens d’une coutume touchante : tous les premiers de l’an, les enfants recevaient un petit pain cuit exprès pour eux, cadeau du boulanger. Merci la Mélie.