Au fil des siècles
1. XVIᵉ siècle
1.1. Les guerres de religions
Les catholiques et les protestants cohabitaient au Bleymard et cela n’allait pas sans heurts et querelles de toute sortes. Le seigneur des Alpiers, Etienne de Sabran, protestant, réunit le 4 octobre 1567, les principaux habitants du Bleymard dans la salle haute de sa maison. Il leur exposa l’état de discorde où se trouve le village par suite des différences de religions. Au sortir du prêche ou de la messe protestants et catholiques se moquent les uns des autres, s’outragent et provoquent des désordres. Les uns et les autres par vengeance ou inimitié appellent les compagnies de soldats qui pillent, volent et trouvent partout des receleurs prêts à acheter le produit de leurs rapines.
Etienne de Sabran demande qu’on organise une police chargée de maintenir l’ordre et de ne laisser entrer que des troupes munies de commissions régulières.
On dresse les statuts d’union et on nomme douze syndics, six catholiques et six protestants, bien que ces derniers soient minoritaires.
Cette page de paix, rarissime en France, fut rédigée par Maître Jean Baptiste Notaire Royal du Bleymard1.
Le texte, rapporté ci-dessous, décrit la vie sous Charles IX et cite bon nombre d’habitants du Bleymard.
Accord politique pour l’entretenement d’une paix, unyon et reppos tant pour une religion que aultre, contenant l’ordre que sera doresnavant tenu et observé pour le passaige et nourriture de la gendarmerye passant et repassant, avec creation de doutze sindicz et depputez, passé entre les habitans de Bleymard.
L’an mil cinq cens soixante sept et le quatriesme jour du moy d’octobre, très chrestien prince Charles, par la grace de Dieu roy en France regnant, au lieu du Bleymar et dans la salle haulte de la maison de noble Estienne de Sabran, seigneur des Alpiers, illec estans congregez, assemblez et domparans en personne led. Noble Estienne de Sabran, noble Gabriel de Sabran son oncle, maistres Blaize de Sabran, Jehan Reversat, Estienne et Anthoine Fabres, freres, Jehan Vinhal lieutenant, Jehan Mallechane notaire, Anthoine des Ayfres praticien, Anthoine Mothon, Estienne Folchier, Guillaume Mazel, Guillaume Baldit, Estienne Beys, filz de feu Jehan, Estienne Beys, filz d’Estienne, Michel Fabre, filz de feu Blaize, Claude Talon, Michel Beys vieulx, Michel Beys jeune, Jehan Daude, Barthelemy Cayroche, Jehan Martin, filz de feu Michel, Vidal Ranc, Guillaume Donzel, Jacques Guollabert, Guillaume Bonel, charpentier, Anthoine Chambon vieulx, Anthoine Folchier, Durant Leynadier, François Deveze, Anthoine Bès, Raymond Maleval, Guillaume Folchier, Jehan Privat, Jehan Maurin, Jehan Pontier ponteyro, André Paulet, Baethelemy dict Jacques Bays vieulx, Privat Alegre, Jehan Pontier bastier, Guillaume Chambon, Anthoine Beys filz de feu Armand, Anthoine Beys guasquet, Anthoine Berengier, Jehan Durant bastier, Michel Sollier, Claude Vidal, Pierre Grefuelhe, Anthoine Sochon, Jehan Jordan, Pierre Vidal, Pierre Moret, Barthelemy Folchier, Jehan Assenat, Blaize Roux, Barthelemy Reynal, Michel Sabran, Anthoine Labrou, Pierre Bonet, Estienne Corregier, Barthelemy Rebol, Vidal Vincens et Jehan Gibert, tous faisans la plus grande et sayne partie des habitans dud. Bleymar, ausquelz en la presence de moy notaire soubzigné et des tesmoingz cy bas nommez, a esté expozé et remonstré par la parolle et orguane dud. noble Estienne de Sabran, comme led. Villaige du Bleymar estoit grandement peuplé et muny de beaucoup d’habitans y receans et domicillians, et tant gens literez de qualité que artizans et aultres de basse qualité et condition, dans lequel villaige ou son paroisse y avoit ordinaire exercisse, suyvant l’eedict du roy, de deux religions, sçavoir les ungz soustenans et exerceans la religion chrestienne et eglize reformée, les aultres et le plus grand nombre exerceans et soustenans le party de l’eglize romaine, et parce que en faisant chacun son devoir et exerceant sa religion entre aulcunes, y avoit journellement rixes, querelles et esmotions, reprochans et desdaignans les ungz les aultres en leur exercisse et religion par rizées et mocqueryes, les ungz en sortans des prieres et presches ordinaires, et les aultres en sortant d’ouyr la messe, chose grandement scandaleuse et odieuse à veoir et ouyr, le tout procedans de telles particularitez et differences de religion, dont ne s’en pouvoit ensuyvre par ung juste jugement de Dieu que tout malheur s’il n’y avoit prompte reformation tellement policée que telz mocqueurs et seditieux ne soyent punys de ce qu’ilz ont fait par le passé et que pourroient faire pour l’advenir, à quoy estoit très requis et nécessaire principalement pourveoir et remedier ; d’ailleurs aud. Villaige avoit aultre grand desordre et desbordement touchant le passaige, nourriture et entretenement de la gendarmerye, ordinairement y passant et repassant, pour autant que les ungz, pour le mauvais voulloir et inimittié qu’ilz ont contre les aultres, tachent et procurent par tous moyens possibles leur ruyne et destructionde lad. Gendarmerye, et pour ce executer font venir et acheminer aud. Villaige plusieurs compaignyes de soldatz tant d’une religion que d’aultre, par lesquels sont souventesfoys battuz et tourmentez, et après leurs biens et maisons vollez et pillez, et quepys est, après telle pillerye acheptent eulx mesmes des soldatz les meubles, marchandises et denrées desrobées, et encore pys toutes compaignyes de soldatz, estans avec ou sans chiefz et cappitaines, entrent ordinairement aud. Villaige du Bleymar, le plus souvent sans avoir commission ne charge, et pour si peu de monde qu’ilz soyent, soy rendent maistres et lesd. Habitans en telle subgestion.
et servitude qu’ilz n’ozent bouger ne soy plaindre en aulcune maniere, le tout procedans de l’inimitié et hayne qu’ilz ont les ungz contre les aultres, sans qulcun accord, unyon, amour ne fraternité ; et plusieurs aultres insollences, ruynes et dissipations se font et comettent jurnellement aud. villaige par faulte de police et bon reglement, à quoy aussi estroit fort requis et nécessaire pourveoir, et pour ce respect faire et créer syndicz et procureurs telz que sera advisé gens de bon sens et preudhomye et tant d’une religion que de l’aultre qui commanderont et serviront de chiefs et veillans ordinairement au faict politicque, par quoy a dict led. Seigneur des Alpiers à l’heure et lieu presens avoir fait appeler par la voix du sergent ordinaire dud. Bleymar la presente assemblée, pour tous ensemble et d’ung commun accord remedier et pourveoir promptement à tout ce dessus, à telle fin que, en lieu de telz desordres, discordz et noyses ordinaires, une paix et tranquillité perpetuelz soyent introduictz et instituez entre iceulx, desquelz avoyr entendue led. Seigneur la voix et de l’ung après l’aultre qui auroient dict uniformement et sans discrepance qu’ilz estoient en ferme voulloir et intention de y pourveoir et que ce estoit leur principal dessein de vivre doresnavant en paix et bonne unyon, au moyen de quoy, après que led. Seigneur a eue sur ce conference et adviz avec les principaux gens literez dud. villaige, ont faictz et dressez certains artcles et statutz, escripvant moy notaire soubsigné que sont telz et dont la teneur s’ensuyt :
Articles et statutz accordrez entre les mannans et habitans du Bleymar touchant la police et pour vivre et soy entretenir doresenavant en bonne paix, unyon et tranquillité, suyvant l’eedict et voulloir du roy nostre sire, s’ensuyvent :
En premier lieu a esté convenu et accordé d’ung commun accord et amyable que doresenavant les ungz avec les aultres, sans difference de religion, se contiendront en paix et amytié, uzans des libertez permises par les edictz du roy nostre sire, sans estre resserchez en l’exercisse de leur religion, et ce sur les peines contenues en l’eedict du roy.
Item pareillement a été accordé que ou et quant se tienneroit aulcuns y contrevenans, qu’il sera permys aux aultres luy accourir sus pour le metre entre les mains des officiers dud. lieu qui après le puniront selon ses demerites sans aucune esmotion pour pretexte d’aulcune religion, ains consentiront à la punition de telz coupables et seditieux.
Item et pour l’observation de telle fraternité et unyon on depputé, sçavoir de la part de ceulx de la religion reformée maistre Jehan Reversat, Estienne et Anthoine Fabres, Jehan Pelissier, André Paulet et moy notaire soubzsigné, et de la part de la religion romaine maistres Estienne Beys, filz à feu Jehan, Jehan Reynalh, Anthoine Moret, Pierre Mazaudier, Jehan Durand et Michel Sollier, pour tous ensemble adviser et soy prendre guardre à ce que nul ne contrevienne à ce dessus, et des contrevenans en advertir les officiers et leur sommer en faire justice promptement, et en cas de reffus proteste par acte de notaire.
Item ont accordé que chacun, sans scandalle de son voysin ne trouble aud. villaige, pourra libremment servir au party qu’il vouldra tenir, sans que pour cella luy soyt loysible prendre argument d’exercer aulcune cruaulté en l’endroit d’aulcun habitant dud. villaige, pour pretexte de luy estre ennemy ou aultrement, et ce sur les peines contenues en l’eedict du roy et aultres que de droict.
Item, et pour limiter la charge desd. depputez, leur sera enjoinct et commandé expressement, où et quant se feroit bruict d’aulcun passaige de gendarmerye, qu’ilz seront tenus aller au devant des compaignyes pour et avec les cappitaines soy informer de leur commission, et si leur commision n’est chargée de pouvoir habiter et entrer aud. villaige après l’avoir communicquée aux habitans remonstrer ausd. Cappitaines la raison du deny et reffus de les laisse entrer par deffault de charge, et cen ce et tout ce qu’ilz se pourroient treuver foibles pourront requerir les habitans qu’ilz pourront treuver pour lui assister et à quoy ne pourra aulcun desd. Habitans reffuzer ny denyer après une seulle requisition, à peine de dix livres tournoi et aultres que de droict.
Item, et au cas que aulcune compaignye serait logé pour l’advenir aud. villaige du Bleymar, d’une religion ou d’aultre, et que, pour la dissolution des soldatz advient saccaigement ou pillaige de aulcunes maisons dud. villaige, ne pourra aulcun desd. habitans receller aulcuns meubles ny aultres choses par achept des soldatz ny autrement, sur la peine d’estre punys comme larrons et recelleurs.
Item ne sera permys à aulcun donner aulcun adevertissement de parolle ne par excript aux ennemys sur peine de la vye.
Item est deffendu à tous hostelliers et aultres habitans dud. Bleymard ne loger aulcuns estrangiers portans armes, passé leur disnée ou souppée, sans en adcertir lesd. Depputez, à peine d’estre punys de la peine que telz estrangiers auroient meritée, en cas qu’ilz seroient treuvez traistres aud. villaige.
Item et au cas que pour l’avenir se dresseroit estappe aud. villaige pour le vivre et entretement d’aulcuns soldatz ou aultres munitions de guerre que la comission receue par les depputez, seront tenuz icelle communicquer aux habitans pour tous ensemble y pourveoir comme de raison.
Desquels articles après vaoir faicte lecture ez presences et audiances de toute l’assemblée et en vulgaire et entendu langaige, après les avoir ouys et entendus de poinct à poinct comme on dict, ont dict et affermé tous ensemble que telz accordz et articles voulloient et entendoyent ilz dosrenavant tenir, garder et observer sans à jamais en rien y derroger ne contrevenir comme revenans à leur grand proufict, utilité, repos, tranquillité et unyon, tant de leurs personnes que biens, et iceulx de poinct en poinct pour cest effect ont approuvez, ratifiez emologuez et confirmez selon leur forme et teneur et avec ce que les syndicz et depputez y denommez ou la plus grande partye d’iceulx presens et telle charge acceptans pour eulx et les absens ont promis et juré à toute l’assemblée, levans leurs mains à Dieu, de bien et fidellement exercer la charge contenue ausd. articles et du tout leur pouvoir veiller ententifvement à faire tenir, garder et observer lesd. Artcles et statutz sans en rien y enfraindre ny derroger, sur peine que, où se trouveroit le contraire, d’estre punys comme traistres et desloyaulx aux bien et repos publicques et perturbateurs d’icelles et d’aultres peines que de droict, voullans et entendans iceulx habitans lesd. Articles et tout le contenu en ce contract avoir et obtenir à jamais aultant de vertu, valleur et efficace, comme si des choses y contenues avoit esté donnée sentence diffinitive par leur juge competent, de laquelle n’eust esté appellée ains acquiesée et passée en force de chose jugée, confirmée par arrest de la souveraine court de parlement de Thoulouse, de laquelle sont ressortissans ; et pour plus grande fermetté et perpetuelle asseurance des choses y contenues, lesd. Habitans et chaclcun d’eulx pour son regard, de nouveau sans revocation aulcune, ont faictz et constituez leurs advocatz et procureurs en la court et siege presidial de Nysmes Messieurs maistres Pierre et Charles Rozelz, Favyer, de Leuzière, Villars et chalcun d’eulx pour et en leur nom requerir l’auctorisation dud. et present accord, et ilz, et les leurs, à jamais estre condempnez de le tenir et observer et à ceste effect estre registrez ez actes et registres de lad. Court et en ce et qu’en deppend faire toutes actes, requisitions necessaires, avec puissance de substituer ellection dedomicille,promesse d’avoir la procedure agreable de rellever et avec toutes aultres clausulles requises et necessaires, pour lesquelles et tout le contenu en ce contract tenir et observer à jamais sans en rien y contrevenir, ont les ungs envers les aultres respectivement obligez, ypothecquez et soubmys leurs biens quelzconques, meubles, immeubles, presens et advenir,les soubmettant aux rigueurs des courtz presidial susd. et conventions royaulx de Nysmes, petit seel de Montpellier, ordinaire de la baronye du Tornel, comme du comté et bailliaige de Givauldan et à chaculne d’icelles, et ainsin l’ont derechief juré en la forme que dessus, en vertu duquel jurement ont renuncé et renuncent à tousdroictz et loix à ce contraires desquelles se pourroient ayder pour contrevenir à ce dessus, et du tout ont requis et demandé instamment à moy notaire soubzsigné en forme de chartre publicque que leur ay octroyé. Faict et passé où que dessus, presens et appelez en tesmoingz maistre Guillaume Seguin de Barre, diacre, habitant aud. Bleymar, Barthelemy Bragier, Maurice Recolin de Malavielhe, Guillaume Fayet du Felgas, et moy Jehan Baptiste, notaire royal soubzsigné.
Baptiste
Source : Archives départementales de la Lozère
Dans sa monographie du 30 juin 1862, l’instituteur de Saint-Julien-du-Tournel relate un épisode des luttes entre protestants et catholiques dont le Bleymard fut le théâtre.
Dans le XVIᵉ siècle un homme originaire de Malmont, appelé Lamouroux fut informé que les protestants s’étaient emparés de bestiaux qu’on avait amenés à une foire de Chateauneuf. Il résolut de les leur enlever.
Il alla trouver le seigneur du Tournel, lui demanda six hommes armés pour escorte et autant de caisses pour battre ; informé que l’armée destructrice s’était rendue au Bletmard pour y passer la nuit avec tout leur butin, profitant de l’obscurité il partit avec sa petite troupe et, à peine arrivé près du bourg, il fit battre les caisses et tirer quelques coups. L’armée des brigands, qui passaient la nuit auprès des feux qu’ils avaient allumés dans les rues, s’imaginèrent que les gens, victimes de leurs spoliations, s’étaient réunis et armés pour venir les dessaisir de leur butin (bouti). Ils abandonnèrent leurs vivres et leur butin et prirent la fuite.
Le vainqueur employa sa petite armée à réunir tous les bestiaux, les fit conduire au Château du Tournel par un chemin tout à fait inconnu des protestants.
Le seigneur fit publier, aux environs de Chateauneuf, que chacun vint réclamer ce qu’il avait perdu et justice fut rendue à tout le monde.
Le seigneur Etienne de Sabran eut à connaître à peu près à la même époque d’une affaire beaucoup moins grave, mais qui dut défrayer longtemps la chronique Bleymardoise, les agapes du sieur Loubeyrac qui s’amusait bruyamment au Bleymard.
1.2. Comment on s’amusait au Bleymard au XVIᵉ siècle
Le Bleymard situé à l’écart de la route de Mende à Villefort, au pied du Mont Lozère, et à plus de 1 000 m d’altitude, est un des chefs lieux de canton les plus calmes de la Lozère et peut être le plus dénué de vie mondaine ou de distractions.
Sa tranquillité n’est guère troublée qu’en hiver, le dimanche, par les skieurs qui, d’ailleurs ne s’y arrêtent guère, lui préférant son faubourg où les attire l’auberge de la Remise, située sur la grande route.
Il n’en fut pas toujours ainsi. Au XVIᵉ siècle, le Bleymard était une étape importante sur la route de Mende en Vivarais, à proximité du col par où l’on franchissait les Monts Lozère.
Un document de 1567 nous apprend que le village comptait de nombreux habitants « tant gens literez de qualité que artizans et autres de basse qualité et condition ». Autour des Sabran, Seigneurs des Alpiers et magistrats, plusieurs furent baillis du Gévaudan qui semblent avoir résidé au Bleymard lorsque leurs fonctions ne les retenaient pas ailleurs, gravitaient quelque familles parentes ou amies qui formaient un embryon de société. Le ton en devait être grave comme il convient à des gens qui sont de robe pour la plupart. Mais nul doute que les fréquents passages et séjours de troupes dont se plaignent les documents n’aient contribué à changer le ton à l’époque des guerres de religion.
En tout cas, en 1567, un certain Jacques de Lobeyrac écuyer, dont nous ne savons rien par ailleurs, y menait joyeuse vie, se livrant à toutes sortes de dissipations et paraissant même avoir tenu un tripot.
L’acte par lequel nous connaissons les faits, fait allusion à des danses et jeux publics, des cortèges masqués et déguisés, tout cela en dépit des ordonnance royales.
Le propriétaire de la maison où habitait Lobeyrac, était Etienne de Sabran seigneur de Alpiers, qui, effrayé de la licence de son locataire et craignant de supporter les conséquences de ces manquements aux édits, fit sommer Lobeyrac d’avoir à cesser ses ébats. Comme toujours en pareil cas, le coupable envoya promener le barbon, déclarant qu’il supportait les conséquences de ses actes, mais qu’il entendait faire ce qui lui plaisait dans sa maison.
Henri Boullier De Branche (vers 1900/1920)
Mais le Seigneur de Sabran ne s’en tint pas là :
Le Bleymard 1567, n. st., 6 février
Acte de protestation pour Estienne de Sabran, Escuyer, seigneur des Alpiers
L’an mil cinq cens soixante sept et le sixième jour du moys de février, au lieu du Bleymar et devant la maison de mestre Jehan Malechane, notere, par devant moy notere royal soubzsigné, et en la présence des tesmoingz cy bas nommez, s’est présenté mestre Jehan Ricoard, lequel pour au nom et comme ayant charge expresse comme a dict de noble Estienne De Sabran, seigneur des Alpiers, son mestre, ayant la presence de Jacques De Lobeyrac, escuyer, habitant du dict Bleymar, parlant à lui, a exposé et remonstré comme le Roy nostre sire, pour certaines bonnes raisons et considérations, luy et son conseil mouvans depuis peu de temps en ça, avoit par ses editcz, avoit fait prohiber et deffendre toutes dances publicques, aussi de ne porter en aucun temps, dagues, pistolletz ne autres harnoys invasibles, mesures tant que seroient demeurans, en leurs maisons et habitations, et ce sur certaines et grandes peines, contenues ausdictz edictz depuis publiez par tout ce royaulme, ausquelz nul ne doibt prethendre cause d’ignorance.
Et pour aultant qu’il estoit venu à la notice du dict seigneur son mestre que le dict de Lobeyrac ordinairement tenoit en la maison où il habite, appartenant à son dict mestre, tambourins et dances publicquement à tous allans et venans, faisant avec ce journellement desguiser et masquer plusieurs personnages lesquelz faisoit marcher en bravades avec les tambourins par les rues du dict Bleymar, luy toujours assistant tout premier comme leur cappitaine et conducteur, et ce tant de nuet que de jour, et outre ce entretenoit il ordinairement en la dicte maison jeuz publicques prohibés aussi et deffendus, faisant et commetant par ce journellement plusieurs insollences et actes reprouvez et expréssément interdicts par les dictz edictz et ordonnances royaulx ; aux fins de tenir les subjectz du dict seigneur en bonne paix et tranquillité et de tant que le dict seigneur son mestre en pourroit estre reprins pour l’advenir comme telz actes rebelles soy commettans ordinairement en sa maison par le dict Lobeyrac ayant de tousjours entretenu de son cousté soigneusement les edictz et ordonnances de son seigneur, désirant perseverer pour l’advenir comme son loyal serviteur et subject, l’a requis instamment voulloir garder et observer les dictz edictz et ce faisant désister de entretenir aulcunes dances en public dans sa dicte maison ny aulcun jeuz publicques et de tout cesser de toutes aultres insollences qu’il a acoustumé fere, estant du tout desbordé et habandonné à toutes voluptez, aultrement en cas de reffus a protesté contre luy de tous despens, dommaiges et interestz et peine corporelle que son dict mestre pourroit encourrir comme faisant telz actes en sa maison, et de le faire declarer rebelle et desobeyssant au Roy et perturbateur du faict et repos publicque et aultrement estre puny des peines contenues auxdictz edictz.
Lequel de Lobeyrac entendue la dicte requisition, a dict que si pour raison de ce advenoit aulcun inconvenient et peine, il la repareroit pour le dict de Sabran, mais que pour ce il ne se desisteroit et feroit dans sa maison tout ce qui lui plairoit.
Le dict Ricoard au dict nom, a dict et protesté comme dessus et d’avoir recours au Roy nostre sire, pour par luy et son conseil y estre preveu, et du tout en a requis acte à moi dict notere soubzsigné pour sa descharge et de son dict mestre, que lui ay octroyée.
Fait ou que dessus, presens : mestre Estienne Folcher, Barthelemy Cayroche, Pierre du Cros, Pierre Morel, Jehan Jordan du dict Bleymar et moi Jehan Baptiste notere royal soubzsigné.
Baptiste2
2. XVIIᵉ siècle
Pour le moment je ne possède pas grand chose sur cette période.
2.1. Le siècle des loups
Document aimablement fourni par J. C. Rouviére
Plus d’un siècle avant l’apparition de la célèbre Bête du Gévaudan, on pouvait lire dans les registres de la paroisse de Saint-Julien-du-Tournel :
Le 16 mars 1632, a été ensevelie, Françoise Gausie3, femme à Jean Roustan, du lieu d’Auriac, tuée par désastre et mauvaise rencontre de trois loups, allant de bon matin du lieu d’Auriac aux Sagnes, étant enceinte prête à faire l’enfant, sur le lieu appelé Peyrou.
Présents Jean Bonhomme, Jean Saint-Léger, Antoine Peytavin vieux, et moi soussigné.
Jourdan prêtre et curé
Source : Archives départementales de l’Hérault série
2.2. Les tisserands
Au cours de ce siècle l‘activité lainière se poursuivit. Pendant les longues et froides périodes d’hiver, les femmes filaient et cardaient la laine que les hommes tissaient pour obtenir une étoffe « le cadis » (les dimensions des cadis était exprimée en canes d’une valeur de 1,993 m). La cadisserie ne disparaîtra qu’à la fin du XIXᵉ siècle lorsque les filatures du nord de la France prirent le pas sur l’activité lainière de la Lozère.
Le 19 février 1624, les professionnels du tissage de laine, serge et cadis, créent un syndicat des tisserands du Bleymard, dont le règlement est déposé devant Guillaume Bonnel, notaire au Bleymard.
Ce règlement constitue essentiellement :
- un prix minimum de vente
- un droit d’entrée en confrérie
- une obligation d’« apprentissage » pour les enfants du Bleymard voulant accéder au métier
- une aide aux obsèques des membres
- une aide sociale aux pauvres et nécessiteux du métier
- la nomination en qualité de syndics et d’exécuteurs du règlement de Mr Buisson, Antoine Quet et Jean Rossel


Cependant la lecture des documents plus récents consacrés à cet artisanat (1850 – 1885) ne fait apparaître l’existence d’aucun moulin à foulon au Bleymard alors que plusieurs sont répertoriés dans les villages voisins :
- Quatre moulins à Cubières :
- un sur le Lozerèt près de Cubières
- deux sur le ruisseau de Cubières (l’un à Cubières l’autre à 2 km au sud-est)
- un sur le ruisseau de Rieutord
- Un moulin à La Volte
- Deux moulins à Saint-Julien-du-Tournel :
- un sur le Lot
- un sur le ruisseau des Sagnes près d’Oultet
Source : Archives départementales de la Lozère
3. XVIIIᵉ siècle
3.1. La violence
Les campagnes lozériennes, et même la commune du Bleymard, n’étaient pas exemptes de violence. Jalousies, conflits d’intérêts, droits de passage… se réglaient parfois à coups de poings, de bâton, et pouvaient aller jusqu’au crime.
Deux des documents qui suivent sont significatifs de cette violence, qui n’est donc pas le monopole de notre société, les deux autres constituent une simple image de la vie quotidienne au Bleymard et aux environs.
On voit aussi qu’il fallait montrer patte blanche pour être enterré au cimetière.



Comme l’a chanté Brassens : « on s’aperçut qu’le mort avait fait des petits » — Les funérailles d’antan
Le document suivant est beaucoup plus bucolique mais il confirme la prééminence de la paroisse de Saint-Jean sur celle du Bleymard, et le fait que les moindres actes de la vie donnaient lieu à établissement d’un écrit.

Source : Archives départementales de la Lozère
3.2. La révolution
Les Bouleversements qui allaient conduire à la révolution étaient pratiquement ignorés de la population paysanne. On peut cependant consulter aux archives départementales le cahier des doléances de la paroisse de Cubièrettes. Je n’ai rien découvert concernant le Bleymard :
Cahiers des doléances
Fin 1788, Louis XVI convoque les Etats Généraux et invite le peuple à exprimer ses « revendications profondes » dans des cahiers dits de Doléances.
C’est dans ce cadre que les habitants de Cubierettes, voisins du Bleymard exprimèrent leurs doléances.
Je remarque, dans la longue présentation que les habitants de Cubiérettes, certainement, comme ceux du Bleymard et de l’ensemble du « bas peuple », étaient loin d’être des révolutionnaires. Les marques de déférence et d’affection envers le Roi en témoignent.
La description, qui suit, du sort des paysans est très longue également, elle fourmille de détails calamiteux, parfois excessifs : « pendant trois ou quatre mois de l’année, à peine y voit-on »… Le rédacteur, vraisemblablement le maire, met tout en œuvre pour convaincre le Roi sans éviter les redondances. Au demeurant il semble que cette partie soit la seule spécifique à Cubiérettes ; Les doléances font certainement partie d’un canevas, rédigé par « avocat postulant » pour l’ensemble des campagnes du Gévaudan.
Parmi les signataires figurent des noms de familles actuelles de Cubiérettes et des environs.
Cahier des plaintes, remontrances et réclamations de la Paroisse et Communauté de Cubiérettes
Les habitants infortunés de cette paroisse, après avoir béni la divine providence de ce qu’elle a inspiré à sa majesté la pensée de vouloir connaître les maux qui nous accablent, afin d’y apporter un remède prompt et efficace, pénétrés du plus profond respect, du plus sincère et du plus inviolable attachement et de la plus vive reconnaissance, pleins de la plus ferme confiance envers la bonté paternelle du plus grand et meilleur des Rois et envers son vertueux ministre, osent prendre la liberté d’exposer à sa Majesté qu’il n’est point de paroisse dans le Gévaudan, ni peut être dans le royaume, qui ait plus besoin de ses regards bienveillants que leur cœur est très misérable et ne peut que l’être, parce qu’elle habite un pauvre pays et qu’elle paie trop de charges.
Si la nature fut marâtre envers le Gévaudan en général, elle le fut particulièrement pour Cubiérettes qu’elle mit de côté et confina dans un creux de Lozère qui l’entoure de toutes parts, excepté du côté de Mende. Ces hautes montagnes sont très désastreuses, soit en le privant trop de soleil en toute saison, de telle manière que, pendant trois ou quatre mois de l’année, à peine y voit-on, et que tout le monde sait combien la présence et l’absence, la proximité et l’éloignement de cet astre, et la manière de répandre ses rayons obliquement ou perpendiculairement contribuent à la fécondité ou à la stérilité, au froid ou au chaud, à la santé ou aux maladies, à la beauté ou désagrément des endroits, soit en lui occasionnant les plus grands ravages par les orages et les grêles qui se forment sur ces hautes montagnes et viennent fondre sur l’endroit : les ravins et les torrents qui en sont les suites, viennent se précipiter sur les bas-fonds et y causent les plus grands dommages ; et les neiges qui y restent, environ, six mois de l’année, font périr du coup de blé et causent beaucoup de dégâts au temps de leur fonte.
Ces tristes événements sont annuels et il ne peut que s’ensuivre une dégradation du terroir et le rendre des plus stériles, et le peu de terre qui reste dans nos champs, presque tous dans une pente raide et de très mauvaise nature, terre noire, mouvante et légère, ce qui ne peut que donner qu’une très petite récolte et rendre conséquemment la paroisse très misérable, laquelle souffre annuellement des grandes pertes de ses cabaux, ce qui peut provenir de la nature de son terrain ou du défaut de salaison, qui pour combler de malheur, est surchargée d’impôts et de dettes particulières qu’elle a été forcée de contracter à cause de ses calamités, de sorte que, après avoir travaillé comme des forçats toute l’année, nous n’avons pas de quoi subvenir à nos besoins et payer nos charges ; quoique propriétaires nous sommes pis que des rentiers, mais nous osons espérer que d’ici peu de temps tout changera en notre faveur, et que par les arrangements que va prendre notre monarque, nous aurons un sort plus heureux.
1° Les députés aux États Généraux seront priés, dé qu’ils seront arrivés à Versailles, d’aller, avant toute œuvre, remercier sa Majesté e ce qu’elle a bien voulu accorder au Tiers-État une représentation libre et égale aux deux ordres privilégiés, lui témoignent l’amour, la fidélité et la soumission respectueuse des peuples et notamment des habitants de cette paroisse.
2° Sa Majesté sera suppliée d’ordonner qu’aux États Généraux, on ne délibère que les trois ordres réunis, et que les suffrages seront comptés par tête et non par ordre.
3° Que tous les sujets des trois ordres, sans aucune distinction privilèges ou exemptions, contribueront à toute nature d’imposition.
4° L’on votera pour la suppression de la gabelle qui est un impôt onéreux surtout aux habitants de la campagne.
5° Que les constitutions de l’État soient formées d’une manière fixe et invariable et qu’il ne puisse être établi, à l’avenir, aucun impôt sans le consentement de la nation.
6° Qu’il soit une régénération dans les Administrations provinciales et diocésaines
7° Qu’il soit fait une réforme dans l’administration de la justice, où il règne tant d’abus. Les frais exorbitants de la justice doivent être réduits, les séquestrages supprimés, c’est un fléau ruineux pour les habitants de la campagne. Il serait avantageux qu’on donnât une attribution aux juges bonnerets pour qu’ils jugeassent en dernier ressort jusqu’à la somme de cinquante livres au moins. On demandera en outre qu’il soit établi un juge de paix dans chaque paroisse pour vuider sommairement et sans frais tous les différents qui pourront s’élever entre les habitants pour toutes les petites contestations qui n’excéderont pas trente livres.
8° On demandera la suppression des receveurs et fermiers généraux, l’abolition des leudes et péages et la suppression de la milice qui est une charge trop onéreuse pour le peuple et enfin que dîmes soient mises en uniforme et réduites au taux de vingt.
9° Comme les curés et vicaires font partie du clergé la plus utile et le plus nécessaire à l’État et le mieux à connaître les différents besoins des peuples, on demandera que leurs congrues soit augmentées et portées au moins à douze cent livres pour les curés et à six cent livres pour les vicaires, ce qui les mettra à portée de soulager l’indigent, ce qui les dédommagera également du casuel dont on demande aussi la suppression.
10° Qu’il soit fait un nouveau tarif pour les contrôles, clair et précis, avec défense au commis de l’interpréter.
11° Qu’il soit fait un règlement pour la conservation des bois dont ce pays va totalement manquer.
12° Qu’il soit fait des règlements pour favoriser le commerce et encourager l’agriculture qui sont les principaux soutiens de l’état.
13° Enfin on demandera la suppression du baillage du Gévaudan siège ambulant et qu’il soit établi, à sa place, tout autre tribunal fixe avec attribution d’une certaine somme en dernier ressort.
Gilles Consul, Vidal Consul, Peytavin, Chalvidan, Vidal, Malet, Gilles, Chas Avocat postulant, Mrs les officiers absents, Malet Greffier
Ainsi a été procédé par devant nous, avocat postulant et notaire royal, en l’absence des officiers en titre.
Le dix huit mars 1789
Source : Archives départementales HL 934
La fin du XVIIIᵉ siècle et les échos de la révolution furent certainement quelque peu amortis en parvenant au Bleymard. L’épouvantable famine de cette fin de siècle n’épargna pas notre village ni les persécutions religieuses qui furent terribles si l’on en juge par la liste des condamnations à mort ou à la déportation, par le Tribunal criminel en 1793, de prêtres et autres contre-révolutionnaires. Mais j’ignore si, comme dans beaucoup de villages lozériens, les cloches furent enlevées de l’église. Je n’ai pas trouvé trace, non plus de condamnation de prêtres réfractaires dans le village.
En revanche on s’aperçoit à travers d’épisodes plus cocasses que dramatiques que la paix et l’harmonie ne régnaient pas toujours. En guise d’exemple la plainte d’un certain Guillaume Rouvière, voiturier, contre Frezal Blanc qui lui aurait tiré un coup de fusil, suivie de la plainte du même Frezal Blanc contre le même Guillaume Rouvière, pour l’avoir insulté, foulé ses lauriers, chèrement acquis, son chapeau et la cocarde tricolore ! (extraits des actes : ci-dessous)


Le chevalier Picart et l’arbre de la liberté
Toujours en 1793, un incident démontre l’importance et la force de nuisance que se permettaient ceux à qui la révolution avait donné une parcelle de pouvoir… ainsi que l’extrême rigueur des sanctions à l’encontre des contre-révolutionnaires :
Le 18 mars 1793, un boucher Mendois, Chevalier dit Picart, 35 ans, est chargé de convoyer 23 volontaires de Mende à Grenoble. En stationnement au Bleymard ledit Chevalier va réclamer au maire (Etienne Vidal Laviniole) des sommes injustifiées et chercher à allonger son étape au-delà du nécessaire.
Devant le refus du Maire, le reitre le menacera de son sabre, en lui promettant de lui « couper le col » et se fait remettre la caisse « pour faire la farandole avec ses soldats ». Ils troubleront effectivement, toute la journée la vie du village en criant qu’ils « seraient flattés d’incendier la maison du mai ».
Dans sa déposition un témoin signale que Chevalier et ses sbires sont groupés autour de l’arbre de la liberté, ce qui ne manque de culot, et d’un certain sens de l’humour, de la part d’hommes qui défient la République !
L’acte d’accusation produit par le procureur devant le Tribunal Criminel de Mende est lourd : il fait grief à l’inculpé « d’avoir fait preuve de forfaiture… d’avoir excité les volontaires à la licence, au désordre et à la désertion… d’avoir provoqué leur désobéissance aux lois et autorités légitimes… d’avoir outragé et menacé les membres de la municipalité et tenu des propos incendiaires… de n’avoir conduit à l’armée que 12 hommes sur les 23 qui lui avaient été confiés… »
Il est condamné à mort par contumace le 16 avril1794 :
Convaincu d’avoir fait partie de l’armée rebelle, commandée par l’infâme Charrier, d’en avoir été chef et instigateur pour raison de quoi le tribunal l’a condamné à être remis à l’exécuteur des jugements criminels et mis à mort dans les 24 heures et à défaut d’exécuteurs, il sera fusillé.
…mais n’est pas exécuté car il se présente, volontairement, peu après, devant le tribunal.
Les témoins de l’accusation sont très nombreux, on y trouve des noms encore usités : Champredon, Rouvière, Buisson, Talagran (aubergiste).
Comme dans la quasi-totalité des villes et villages de France, un « arbre de la liberté », certainement un peuplier, fut planté « avec cérémonie » sur la place, au printemps de 1790.
En 1796 un large mouvement de révolte contre la révolution se propage en Lozère, inspiré notamment par les prêtres réfractaires, mais surtout par la terrible misère qui régnait dans le milieu paysan. Les arbres de la liberté sont abattus et celui du Bleymard, n’échappant pas à la vindicte populaire est coupé au mois de juin 1796. De lourdes peines sont prononcées, mais je n’en ai pas trouvé à l’encontre du curé du Bleymard.
3.3. Les actes de la vie courante
Les gens faisaient facilement appel au notaire pour les actes de la vie courante, et c’est une chance car à travers ces documents se dessinent leurs préoccupations. On y voit également l’influence très marquée de la religion qui semble rythmer tous les instants de la vie.
Pour illustrer ce qui précède, je vous livre une copie de l’acte de mariage de mes aïeux Jean Buisson et Catherine Rorcher le 23 janvier 1779.
Il ressort bien de cette copie (l’original est peu lisible) que le notaire, officier public, s’il règle bien, dans le détail toutes les conséquences matérielles du contrat, ne manque pas de le placer sous la protection de « l’église catholique, apostolique et romaine ». Mais, c’était avant la révolution.
Mariage de Jean Buisson et Catherine Rocher 1779
Ce jourdhui vigt cinquieme janvier milsept cens septante neuf apres midi devant nous et temoins soussignés furent presents Jean Buisson travailleur fils naturel et legitime de Guilhaume Buisson et de feu Marie Privat marier du lieu du Bleymard paroisse de st Jean Diocèse de Mende d’une part la honneste fille Catherine Rocher ausy fille naturelle et legitime de Jean Jacques Rocher et Marguerite Maurin du lieu de Malmont paroisse de st Julien du Tournel au même diocese d’antre lesquelles parties procedant en avoir Led Buisson de Lui assistance et consentement de Guilhaume Buisson son pere et de Pierre Privat did lieu son oncle et lad Rocher de lad assistance et consentement de ses pere et mere de Jean Maurin du lieu du Mas paroisse d Allenc sus diocese un ayant ? et de Michel Rocherson oncle du Lieu de la Pigeyre paroisse d’Altier sus diocese de leur gré ont promis de prendre et epouser en vray et legitime mariagele solemniser en face de notre mere ste eglise catholique apostolique et Romaine et pour cet effee d y ……….? Representer a la glorieuse Requisition de l un deux a peine de tous depants dommages et interets contre la partie Refusante La publication des bans prealablement faite et pour que aucun empechement legitime ny survient en faveur duquel mariage led Rocher ses constituer en dot du consentement de son pere envers led Buisson son futur epoux en tous ses biens presents et advenir Le faisant a cet effet son procureur general et irrevocable en la charge par luy de les Recognaitre comme il lui recognois Des a present une ………? de la valeur de douze Livres en faveur duquel le mariage ded Rocher et Maurin marier ont donné a lad future epouse acceptation et humblement Remerciements pour donnation entre vifs irrevocable la somme de quatorzecents qatrevingts dixneuf Livres …….? Du chef paternel et quatre cents Livres et le surplus du chef maternel a compte de laquelle somme les d Buisson pere et fils ont declaré en avoir reçu cy devant Renonçant a toute exception contraire dud Rocher celle de sept cents Livres Dont quittance et le surplus Le d Rocher a promis de payer aux d Buisson pere et fils a paiements egaux et successifs de cent livres dont le premier comme commencer a la st Jean Baptiste de mil sept cens quatre vingts et aussy continuer sans interet que du defaut de paiement en faveur aussy dud mariage Led Guilhaume Buissona donné au d Jean son fils acceptant et humblement Remerciant pour même donnation entr vifs irrevocable tous ses Biens presents et advenir meubles et immeubles noms voix droits et actions sous la reserve des entiers usufruits des d Biens et de ceux de la d Marie Privat sa femme pendant sa vie Les charges du mariage duement supportées et pour La conservation Les parties ont obligé tous leurs biens quant soumis au cours de ..Leurs ordres senechal et presidial de mission au fait des conventions et autres requisitions ..? fait …au lieu du Bleymard dans notre etude presents Messire Jean Louis Fade et ……. Dud St Jean et Sr Barthelemy Rouviere fait au Bleymard signer avec parties et assistant excepte la future epouse Ld Maurin sa mere et led Guilhaume Buisson qui ont declaré et avoir de ce enquis de nous
Joseph Forestier (notaire ?) Royal du d Bleymard Recevant soussignés
Signature : Rocher, Hannuels (?) J Buisson, Rochier, Maurin, Privas, Rocher, Rouviere, Forestier, RR (plus des illisibles)
Led = ledit, Lad = ladite, Ded = desdits, D = dit, dits
Note : l’absence de ponctuation, la quasi absence d’accents ont été respectés, de même l’utilisation fantaisiste de majuscules (seules les majuscules des noms propres ont été rétablies).
3.4. La peste 1720–1722
La peste sévit en Gévaudan de 1720 à 1722. Le Bleymard est épargné par l’épidémie. Alors pourquoi en parler ? C’est qu’on n’est pas passé loin !
D’abord circonscrite dans la région de la Canourgue, l’épidémie se propage à Marvejols, puis Mende et ses environs et Ispagnac. La totalité de l’Est du Gévaudan semble épargnée quand brutalement, fin août 1721, le terrible mal frappe à Altier (à 15 km du Bleymard).
C’est par un malheureux concours de circonstances que le redoutable bacille saute de La Canourgue à la région d’Altier. Il est importé au hameau de Bergognon par dame Marie Folchier épouse de Michel Texier qui était allé « glaner » aux environs de la Canourgue. Elle décède le 20 août, et le 30 août, son époux et ses deux enfants la suivent dans la tombe. Deux autres villages sont touchés (Conzes et Valfournès).
Dés le 31 août, ces hameaux et leurs 38 foyers sont bloqués par les paysans des villages voisins, puis par les autorités (la règle voulait que toute personne sortant d’un village contaminé soit immédiatement fusillée). Plus de 60 personnes y meurent sans aucun secours, les médecins et chirurgiens n’étant pas autorisés à entrer dans les village pestiférés.
C’est à la suite de l’extension de la peste à Altier, faisant craindre la contamination de tout le Gévaudan, que sur l’ordre du roi le blocus est étendu à l’ensemble du département.
Le premier mort de la peste, le 23 novembre 1720, est Jean Quintin de Corréjac qui a contracté la maladie à la foire de Saint-Laurent-d’Olt, les derniers sont Nicolas Tichet et son fils Bernard, le 10 décembre 1722 à Mende. Le blocus du Gévaudan est levé le 15 janvier 1723.
4. XIXᵉ siècle
4.1 Généralités
Aux cours de ce siècle sont nées beaucoup de personnes, aïeux, parents, amis, que les gens de ma génération ont bien connus.
Mon grand-père, né en 1863, était un homme d’un courage et d’une probité exceptionnels. Très influencé par la religion, il était président de la Confrérie des Pénitents Blancs, et c’est lui qui, pour la messe de nuit de Noël chantait le magnifique Minuit Chrétiens.
Ci-dessous la lettre qu’il écrit à ses parent pour leur souhaiter la bonne année, témoigne du respect et de l’amour qui existait au cœur de ces âmes d’apparence rustique.
Chers Parents
La nouvelle année qui commence ne fait que me rappeler un devoir que j’aurai à remplir tous les jours de ma vie celui de vous témoigner mon amour et ma vive reconnaissance pour tous les soins et le bontés que vous me prodiguez.
Mon seul regret, chers parents, c’est de ne pouvoir maintenant vous payer d’un juste retour et répondre dignement à vos bienfaits. Dans mon impuissance je prie le Seigneur de le faire pour moi et de répandre sur vous ses plus abondantes bénédictions, de prolonger vos jours qui nous sont si précieux. Puisse t’il entendre mes vœux et les exaucer.
Daignez agréer la nouvelle expression des sentiments et de la tendresse filiale avec laquelle je suis, chers parents, votre affectionné et respectueux fils.
Buisson Camille
Nombreux aussi, sont les hommes nés à la fin du XIXᵉ siècle, qui ont subi la guerre de 1914 – 1918 et qui, pour beaucoup, y ont trouvé la mort.
À la fin du siècle un nommé Pierre Vachez vient prendre des vacances au Bleymard , la lettre qu’il écrit à sa mère pour relater son arrivée n’est pas tendre pour les Bleymardois (« indigènes puant le bouc ») , ni pour le Bleymard (« pelé, roussi, caillouteux »).
4.2. Les vacances de Pierre Vachez
En 1898 Pierre Vachez, jeune étudiant de 19 ans, né à Châteauroux va venir voir son frère Maurice qui réside au Bleymard pour des raisons sanitaires (l’air du Bleymard est semble-t-il renommé en cette fin de siècle pour ses vertus curatives). Pendant son séjour de deux semaines il va écrire fréquemment à sa mère et prendre, chose rarissime à l’époque des photographies.
On apprend dans ces courriers qu’un repas de cette époque valait 40 sous, que « la patache » (ou malle-poste) desservait Le Bleymard en pleine nuit et que le rédacteur de ces lettres se plaignait à sa mère des conditions de son voyage.
On nous a fait monter en haut au milieu des malles et des colis pèle mêle avec de dégoûtants indigènes qui parlaient patois et dégageaient une odeur de bouc. Cahotés, secoués, endoloris, nous sommes arrivés de cette façon au Blaymard (sic)
Le même rédacteur écrivait quelques jours après à sa mère les mots suivants.
Je marche de ravissements en ravissements. Blaymard est décidément un pays enchanteur qui n’a rien à envier, je crois, au pays des mille et une nuits.
Les photos montrent un Bleymard anachronique où les touristes chapeautées côtoient les Bleymardoises, et où les pécheurs sont roi.
La truite abonde dans ces parages ; il suffit de lever les pierres plates entre lesquelles courre rapidement l’eau des torrents à peu près à sec qui constituent les rivières d’ici pour en trouver des demi-douzaines ; toutes les pierres qui sont des schistes plus ou moins ardoisiers sont plates et renferment des nids de ce poisson exquis pour les amateurs. En un tantôt, on pouvait, lorsqu’on est adroit, en prendre cinquante, soixante, à trois ou quatre pécheurs.
On peut noter qu’en cette fin de siècle, le vieux cimetière d’aujourd’hui n’existe pas encore et que le bois de Monsieur Rouvière, n’est pas encore planté.
Lettre de Pierre Vachez à sa mère
Dimanche 14 août 1898
Chère Maman,
Enfin me voici arrivé. Ce n’est pas trop tôt. Comme tu m’as bien recommandé de t’écrire les péripéties de mon voyage, je m’exécute en termes brefs. De Châteauroux à Montluçon, nous nous sommes regardés dans le blanc des yeux sans échanger un mot ; nous cuisions. De Montluçon à Gramat 40° de chaleur. Nous étions seuls, nous nous sommes appropriés chacun une banquette et nous nous sommes mis à ronfler. Arrivés à Gramat, nous descendons avec une heure à nous.
Nous avons parcouru deux ou trois rues ce qui nous a suffi pour juger de la laideur extravagante de cette sale ville. Nous sommes revenus, avons repris des billets, sommes montés dans le train où nous avons reronflé jusqu’à Clermont avec une chaleur de 45° sur les épaules. Toutefois pays charmant, arrivés vers les 6 heures nous avons été dîner au buffet où nous avons fait un maigre repas pour 40 sous. Nous avons réintégré l’express qui nous a amené à toute vapeur vers Villefort.
Nous ne dormions plus mais nous n’en avons pas pour cela mieux joui de la belle nature ; il faisait nuit. Arrivés à Villefort, à minuit, nous avons pris une ignoble patache. On nous a fait monter en haut au milieu des malles et des colis pèle mêle avec de dégoûtants indigènes qui parlaient patois et dégageaient une odeur de bouc. Cahotés, secoués, endoloris, nous sommes arrivés de cette façon au Blaymard (sic), le dos appuyé sur une bicyclette les jambes écartées et servant d’oreiller à deux auvergnats. Nous n’avons rien vu car nous étions recouverts d’une immense bâche qui faisait les ténèbres dans le réduit élevé de 75 centimètres de hauteur où nous [..]
Nous sommes arrivés au Blaymard (sic) à 5 heures du matin en plein jour et nous avons pu considérer un pays affreux, pelé, roussi, caillouteux, sans verdure et sans herbe, présentant ça et là des sortes de moignons qui voudraient être des arbres, mais qui n’ont rien, je conviens, avec le végétal. Ce sont là les beautés féeriques qui s’offrent à l’œil de l’excursionniste. Nous a déposé sur la route où Maurice faisait les 100 pas depuis une heure, bien vêtu, calfeutré dans deux manteaux. Il se porte bien, ne tousse plus du tout. Un matin à peine par période de 15 jours en sortant du lit. La mine est superbe. Il respire la joie et [..] en la joie ou respire la santé . Nous-nous sommes mis au lit à 7 heures jusqu’à 10 heures. La messe était à 11 heures . Nous y sommes allés avant déjeuner, puis sommes allés voir Mr et Mme Devichi qui sont charmant l’un et l’autre et nous ont offert le café. Nous en revenons à l’instant ; il est deux heures. Nous avons vu aussi deux fils Rouvière. Je n’ai pas eu le temps d’entrer dans de longs détails. Nous partons à l’instant pour Bagnols où nous attend tous les trois.
Au revoir donc, ma chère maman, je t’embrasse de tout mon cœur, ainsi que papa, mes frères et mes cousins. Inutile de te dire que Maurice se joint à moi en cette occurrence.
Nota : Je suis arrivé avec une bicyclette crevée, émail enlevé de haut en bas et comme gratté au couteau.
L’affiche de Maurice complètement perdue par suite de la salade qui régnait sur la voiture et mon pantalon de bicyclette bon à jeter ; tu l’as voulu, tu peux m’en payer un autre. Il est enduit de graisse du haut en bas et qu’[..] Eté si le poté [?] avait été enveloppé dans un simple linge, comme tu voulais absolument le faire. On aurait pu jeter toute la malle à l’eau. Ce n’est pas de chance quand même, mon pantalon n’est plus portable dans un endroit comme Bagnols.
4.3. Comment on s’ennuyait au Bleymard
Faisant pendant à l’histoire intitulée Comment on s’amusait au Bleymard au XVIe siècle, M. Bardy, dans un récit paru dans trois numéros successifs du Païs en 1956, dévoile les écrits d’un obscur receveur de l’enregistrement qui occupa ses fonctions au Bleymard, pendant 14 mois en 1877 et 1878. (VOIR : ANNEXE : Page : 1/B , § 3)
Le receveur, M. Godefroy, se plaint amèrement de son sort et manifeste son mépris pour le village et ses habitants. Il commet même un long poème dont on peut citer quelques vers :
Et toi village affreux que Bleymard on appelle,
Mais qu’on devrait nommer la Lutéce nouvelle
Pour tes charmes Non Non ! Mais pour l’infection
Qu’exhalent tes chemins cachés sous le limon
De paysans crasseux réceptacle barbare
M. Bardy, dont l’humour le dispute à l’érudition, n’ironise-t-il pas sur le receveur lorsqu’il écrit :
Le curé était M. Ollier (protagoniste de l’affaire de l’orme de Saint-Jean), le vicaire M. Guignon, il y avait deux notaires MM. Ferrand et Rouvière, un juge de paix M. Gardelle, un brigadier de gendarmerie M. Donnadieu, un percepteur M. Legay, à cette « élite intellectuelle » il faut ajouter deux ou trois instituteurs, trois frères et autant de sœurs des écoles chrétiennes et vous aurez fait le tour des gens du niveau social du receveur de l’enregistrement en l’an de grâce 1878.
Source : Archives départementales de la Lozère
5. XXᵉ siècle
Le début du XXᵉ siècle voit la prospérité du Bleymard s’affirmer avec l’exploitation des mines du Mazel et le développement des transports.
5.1. Les mines
Les anciennes mines du Bleymard sont situées sur les communes du Bleymard et du Mas d’Orcières dans le département de la Lozère. La première concession fut attribuée en 1903 à la S.A. des Mines du Bleymard, pour l’extraction du plomb et du zinc. Ces deux métaux, principalement le zinc, furent extrait jusqu’en 1931, puis vers 1937 et enfin de 1943 à 1953 date à laquelle a eu lieu l’arrêt définitif de l’exploitation. Dès 1910, deux cents ouvriers payés de 2 à 6 francs par jour pratiquaient l’extraction de 6 000 tonnes de minerais par an. Ces derniers étaient traités dans plusieurs bâtiments aujourd’hui utilisés comme habitations au niveau du hameau du Mazel sur la commune du Mas d’Orcières.
Pierre Vachez, lors de son séjour au Bleymard en 1898, décrivait les mines du Mazel en ces termes :
Les romains l’exploitaient pour en tirer du plomb un tant soit peu argentifère. On retrouve partout leur trace dans cette montagne (le noirac). Il est curieux de voir de près leurs travaux, ce ne sont pas des galeries que l’on retrouve, mais des boyaux plus ou moins étroits où l’on est obligé de ramper au lieu donc de faire sauter les blocs à la mine comme on le fait aujourd’hui ; ils grattaient, c’est le terme, la roche avec de petits crochets d’acier ou avec des coins de même métal. Que de patience et de persévérance fallait-il ! De plus au lieu de sortir au dehors tous les matériaux extraits de la roche, ils les triaient sur le lieu même dans la nuit ou la pénombre ; on a retrouvé de leurs lampes en terre cuite. Les Romains ont bien pris là tout le plomb qui s’y trouvait, mais il n’y ont pas vu un autre métal qui y existe en assez grande quantité : 38% de zinc, ce qui fait qu’aujourd’hui, on reprend les travaux commencés par les Romains, en agrandissant et élargissant les galeries faites par eux et en traitant les pierres laissées par eux sur le terrain, leurs déchés, dont on extrait le zinc. C’est Mr Arthous qui a été, il y a trois ans seulement, mis à la tête de ces travaux par la grande compagnie exploitatrice (sic) Vieille Montagne.
De nombreux habitants du Bleymard et des environs travaillaient aux mines et souvent menaient de front une autre activité notamment l’exploitation d’une petite propriété. Ces doubles journées devaient être épuisantes, d’autant que l’accumulation des poussières de plomb dans l’organisme provoquait parfois l’apparition des redoutables « coliques de plomb » (saturnisme).
Parmi mes connaissances, en furent victimes mon oncle Augustin Rouvière, et le « Camille du Frégade ».
Les documents ci dessous montrent quelques aspects de cette entreprise et de ceux qui y travaillaient.




Ci-dessous voici une vidéo sur laquelle, en 2 000, quatre anciens mineurs ainsi que Félix Robert, racontent pour FR3, les mines et évoquent le passé.
5.2. Les transports
La ligne ferroviaire
Le 1er projet d’une ligne ferroviaire entre Mende et le Puy via Langogne ne fut jamais réalisée en raison des frais d’investissements et des difficultés d’exploitation hivernale prévisibles.
Le projet alternatif prévoyait, en 1 875, une liaison de Mende à la ligne des Cévennes (Paris – Nîmes), soit à La-Bastide soit à Villefort.
La liaison vers Villefort qui devait créer une station au Bleymard fut entreprise. Elle prévoyait un tunnel de 2 214 m sous la montagne du Goulet et le point culminant à 1 196 m En raison des frais et de conflits d’intérêts, ce tunnel fut abandonné en 1885, après la construction de 700 m environ, soit un tiers du parcours. Ses entrées se sont effacées avec le temps.
Finalement on choisit donc le trajet actuel, par Allenc, Belvezet, Chasseradés avec une escalade jusqu’à 1 516m près de Belvezet.
Pour protéger cette voie de l’enneigement il fallut installer de coûteuses barrières et galeries pare-neige.

La ligne routière Mende – Villefort
Par la « route », le Bleymard était desservi par des diligences reliant Mende à Villefort, en plusieurs étapes et changement de chevaux, dans de relais dont la Remise était parmi les plus importants située à égale distance des deux terminus. Le trajet dans ces « ignobles pataches » pour reprendre les termes de Pierre Vachez dans sa lettre, durait plus de cinq heures pour faire les trente kilomètres.
Les voitures publiques effectuent le transport des voyageurs et de dépêches postales. Les diligences partent de la place d’Angiran à Mende à 11h pour atteindre le relais de la Remise vers 16h.

Les diligences transportaient les voyageurs mais aussi le courrier – Malle-Poste – et elles étaient équipées d’une boite à lettres pour recevoir le courrier destiné à l’étape suivante.

Bien entendu le facteur se rendait à la Remise pour prendre possession du courrier (sacs et produit de la boite) destiné au Bleymard et pour remettre le courrier de départ.
La mise en service du premier autobus est décidée par le Conseil Général dans sa séance du 21 août 1 919. La ligne Mende – Villefort n’est créée que le 1ᵉʳ mai 1 920. Elle revient à 31 122 F « grâce à un don particulier de 1 250 F ».
Auparavant, quelques autobus transportaient des voyageurs, ils n’étaient guère plus rapides que les diligences avec leurs roues en bois (4h pour parcourir 30 km).
La ligne était équipée d’autobus, probablement de marque Saurer, qui roulaient à 22 km à l’heure ! Ces engins étaient équipés de roues caoutchoutées (bandages).

L’arrivée des pneumatiques permit un nouveau bond en avant tant pour le confort des voyageurs que pour la rapidité des liaisons.
À l’instar des diligences, qui les avaient précédés, les autobus transportaient le courrier et les marchandises. Le facteur, muni d’une brouette se présentait, le matin, à la Remise, pour recevoir les sacs de courrier acheminés par le train et pris en charge en gare de Villefort, le soir, toujours avec sa brouette, pour apporter le courrier de départ et recevoir la dépêche de Mende.
Les brouettes servaient aussi, à l’arrivée des beaux jours, et à celle concomitante des « buveurs d’air », à transporter les valises et malles des familles qui venaient passer l’été au Bleymard à l’hôtel ou en « garni ».
Les épiciers recevaient également une bonne partie de leurs fourniture par le car. Ces marchandise étaient juchées, avec les malles et valises sur l’impériale, d’où le Paul (Teissier) l’Emile (Devéze), patrons, ou le Jules, chauffeur, les manutentionnaient par l’intermédiaire d’une étroite échelle fixée à l’autobus.

Le transport de ces marchandise était assurée soit par le destinataire soit par le l’un ou l’autre des associés gérant la ligne, toujours sur brouette ou charreton.
Je me souviens avoir participé à ces transports avec mon ami Justin et, parfois, en ces occasions …d’avoir glissé mes doigts dans les interstices des cagettes pour subtiliser quelques grains de raisins qui s’offraient imprudemment à notre irrépressible gourmandise.
Les documents qui suivent évoquent l’historique de cette ligne et quelques unes de ses tribulations.







5.3. Les guerres
Mais le XXᵉ siècle fut aussi le théâtre de trois guerres, avec leur cortège de souffrances et de morts.
Une page est spécialement consacrée à la mémoire de ces événements.